Depuis quelques temps nous avons un nouveau voisin de palier. Un homme plutôt charmant, souriant, cheveux gris très courts et yeux noirs pétillants, à peine plus grand que moi,il doit avoir une cinquantaine d’années. Nous nous sommes rencontrés peu de temps après son emménagement, sur le palier, il cassait tous ses cartons avec ses enfants, de passage pour le week-end. Cet homme est divorcé depuis peu et je ressens une certaine souffrance en lui. Derrière le sourire, parfois les larmes se cachent.
Nous nous sommes croisés à de multiples reprises car il travaille dans un salon de thé avec son frère que nous connaissons bien… un hasard ? Je n’y crois pas vraiment, pour ne pas dire, pas du tout.
Nous nous sommes encore croisés aujourd’hui, mais aujourd’hui c’était différent… J’étais sortie faire une course et lorsque je suis revenue, mon voisin était au rez de chaussée en train de parler avec deux de mes voisines, dont une qui tenait un plat avec un gâteau. Je dis bonjour en passant mais ne m’arrête pas, j’avais du travail qui m’attendait. En montant les escaliers, j’entends notre voisin dire “J’en ai rapporté aussi pour mes voisines”. J’ai compris qu’il allait venir sonner à la maison. Le stress est monté sans savoir pourquoi, cet homme est vraiment sympathique.
Je n’arrivais pas à me remettre au travail et pourtant, j’avais du pain sur la planche. Impossible de me concentrer, je tournais en rond dans l’appartement. D’un seul coup, la sonnette m’a fait sursauter.
J’ai ouvert, il était là, sourire aux lèvres avec un plat et une grosse part de tarte Tatin. Original pour la Normande que je suis, me suis-je dis. Ses yeux échappaient aux miens alors qu’il m’expliquait un peu maladroitement que son frère avait voulu faire ce gâteau pour le magasin ou pour lui-même, il ne savait même plus, et il en avait fait beaucoup trop. Il en avait ramené chez lui mais il ne pouvait pas le congeler car il n’avait pas la place. Il en distribuait donc à ses nouvelles voisines… pour ne pas jeter, pour faire plaisir, pour faire connaissance, pour parler un peu puis… pour finir par nous inviter dans huit jours à l’apéritif, et tant qu’à faire, nous dînerons ensemble.
Au fur et à mesure de la conversation, sa main se posait sur mon épaule, sur mon bras, puis les deux mains se posaient à droite, à gauche, je ne voyais rien venir. Cet homme est charmant, souriant mais TRÈS tactile ! Je ne le suis pas du tout, le stress montait, je respirais pour me détendre. J’ai écourté la conversation en disant que le travail m’attendait et au moment de refermer la porte, celle-ci a buté sur le carrelage, l’occasion de relancer la conversation sur les problèmes de fermeture de porte qu’il rencontrait avec la sienne, juste en face, m’invitant à venir voir. Il a mis la clé dans la serrure de sa porte d’entrée et me montrait les difficultés pour fermer et ouvrir, évidemment dans les deux sens ! Il me tendit les clés et m’invitait à essayer moi-même, de l’extérieur mais il fallait aussi essayer de l’intérieur. Nous nous sommes retrouvés enfermés dans son appartement, qu’il me fit visiter très vite, m’expliquant comment il pliait et rangeait ses chemises, puis ses polos, puis le parfum qu’il mettait dans son armoire. Il aimait le linge bien repassé et passa trois heures à repasser tous ses polos qu’il avait ramenés en carton. Heureusement il a une super centrale vapeur… Je l’écoutais, interloquée par tout ce qu’il me racontait, je me disais, s’il savait… je ne repasse RIEN. Quel parfum je mets dans mes armoires ? Aucun. Lui se lasse de la lavande… J’aime les hommes qui montrent leur côté féminin, cela me rassure et me détend, d’ailleurs je remarque que je les attire souvent et que ce sont de belles relations en général, des relations de complicité très agréables à vivre.
Lorsque je retournais vers la porte pour rentrer travailler enfin, la machine était relancée, il m’expliqua que sa porte avait dû être forcée pour être aussi difficile, vraiment il fallait qu’il me fasse une nouvelle démonstration. Il referma à clé et là, le stress qui était descendu remonta doublement, je ne pouvais plus rester dans cet appartement. J’ai empoigné la clenche, j’ai tourné la clé, j’ai ouvert la porte et je suis sortie sur le palier. Je n’arrivais plus à lui faire comprendre que mes limites étaient dépassées, j’avais vraiment besoin qu’il me laisse tranquille, il était temps avant que je devienne désagréable par le stress qu’il déclenchait en moi sans le savoir, et sans le vouloir surtout. Je n’avais absolument aucune raison d’être en panique, je le savais mais je ne me contrôlais pas. Quand les blessures sont réactivées par certaines situations, les émotions sont difficilement contrôlables. Je ne supporte pas d’être enfermée ailleurs que chez moi, d’autant plus avec un homme. Il y avait longtemps que je n’avais pas ressenti ce genre de malaise, je ne m’y attendais pas.
Je suis retournée devant ma porte, lui expliquant que j’allais travailler et qu’il fallait vraiment que je le quitte. Ses yeux se sont posés sur ma sonnette où le nom de ma boutique est écrit alors il me demanda ce que je faisais comme métier. J’ai vu son regard se figer pendant que je lui répondais, il réfléchissait, sceptique… mais il essaya de s’intéresser tout de même, sans comprendre exactement ce que je vendais sur internet. J’imagine que nous ne sommes pas sur la même planète et pourtant, nous ne nous sommes pas rencontrés par hasard, je le ressens fortement, au travers de ses yeux, je vois la belle âme qui se cache derrière une tonne de conditionnements qui le maintiennent dans un état d’anxiété permanent. Je peux le dire, je connais bien maintenant, je pratique tous les jours ! Nous allons apprendre beaucoup de la vie nous deux, je le sens…
En me quittant il effleura ma joue furtivement avec sa main comme si on se connaissait déjà depuis des années. Mon regard plongé dans le sien je sentais nos âmes communiquer dans un instant très bref, j’ai ressenti l’apaisement, la sécurité comme s’il me disait “tout va bien, ne t’inquiète pas”, un regard apaisant, puissant, profond, dans un silence enveloppant. Nous nous sommes déjà rencontrés, oui, maintenant j’en suis sûre…
Maryline
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