
17 mars 2003
Nous avons rencontré la psychiatre de ma mère. L’aîné de mes frères n’a pas souhaité assister à l’entretien. Nous avons fait le point sur la santé de ma mère, sur son environnement relationnel toxique. Ma mère avait déjà évoqué le problème de la présence envahissante de sa belle-mère. Nous avons confirmé ses dires puis nous avons également confirmé ce que la psychiatre pensait quant à Guillaume. Il est contre toute forme d’hospitalisation et n’encourageait pas ma mère pour aller à l’hôpital de jour. D’autre part, le neurologue n’avait jamais évoqué une hospitalisation à temps complet comme nous le soutenait Guillaume.
II ne comprend ou n’entend jamais ce que le neurologue lui explique. Nous avons conclu à la fin de cet entretien qui a duré une heure, qu’il était bien difficile de faire soigner ma mère.
Quant à ma grand-mère, nous avons réussi à avoir une infirmière qui viendra lui donner ses médicaments matin et soir pour éviter les cocktails explosifs. Mes oncles vont se renseigner sur les maisons de retraite de la région pour l’avenir. Cela me fait ouvrir les yeux sur le fait que le temps passe et que je suis en train de perdre mes deux mamans en même temps. La pilule est difficile à avaler.
Ce soir, je suis passée voir Angéla au restaurant. Elle m’a envoyé un message cet après-midi me disant qu’elle ne comprenait pas ce qui se passait entre nous en ce moment, je semblais ne pas avoir envie de lui parler. Il fallait qu’on discute, je suis arrivée après le rush pour avoir l’espoir d’une disponibilité et pouvoir manger avec elle. J’ai trouvé Angéla dans le bureau, devant l’ordinateur, l’air triste à mourir :
— Bonsoir...
— Ah Mary ! Qu’est ce que tu fais là ? me demanda-t-elle enthousiaste.
— Je passais te voir... tu as mangé ?
— Non et toi ?
— Moi non plus.
— Je n’ai pas très faim, mais on va manger maintenant pendant qu’il n’y a pas trop de monde.
Elle m’a préparé mon plateau, nous nous sommes assises l’une en face de l’autre, juste devant le comptoir. Et là, elle m’a déballé tout ce qu’elle avait sur le cœur concernant le travail. Finalement, nous en sommes tous au même point : trop de travail, trop de stress, pas assez de main d’œuvre. Nous avons passé deux semaines extrêmement épuisantes. La fatigue prend le dessus, le personnel est irritable, certaines phrases heurtent les sensibilités mises à rude épreuve. Angéla a du mal à comprendre comment sa directrice adjointe peut-être aussi agréable en dehors du travail et tout autant détestable pendant les heures de service. Pas facile de concilier relation amicale et travail avec sa hiérarchie. Il s’est passé beaucoup de choses ces derniers jours au restaurant, Angéla craque et ne se sent pas les épaules assez larges pour supporter autant de pression en plus de ses problèmes personnels. Mais le fond de l’histoire n’était pas là...
Après avoir terminé notre repas, Angéla est allée dans le bureau pour commencer à compter les caisses. Je l’ai rejoint avec mon café que je voulais boire avant de rentrer chez moi. Je la regardais ranger ses billets avec soin, elle était à demi présente puis elle me dit :
— Alors comme ça, tu es allée à Dieppe samedi et tu ne m’as même pas envoyé un message pour me le dire ?
— Pardon ? Qu’est ce que tu veux insinuer ? demandai-je, un peu surprise de devoir rendre des comptes.
— Tu ne m’envoies plus de message, tu ne m’écris plus, on ne se parle plus, on ne se voit plus... me dit-elle avec les larmes aux yeux.
— Tu as mis toi-même une distance entre nous Angéla, tu m’as dit que tu voulais prendre du recul, qu’on se retrouverait plus tard, je n’ai fait que respecter ton choix, ce n’est pas à moi qu’il faut faire des reproches si on ne se voit plus, tu n’es pas disponible et je ne suis pour rien....
— Oui, mais.... les vrais amis, ils insistent ! J’ai cru que tu m’avais zappé de ta vie ! continuait-elle en pleurant.
— Tu as vraiment pensé ça ? Que je t’avais zappé de ma vie ?
— Bah oui, je l’ai pensé parce que tu ne m’envoyais plus rien....
Je me suis retournée, je voyais les équipiers qui s’activaient au rangement du restaurant pour préparer la fermeture, elle me faisait mal, je ne savais que répondre face à sa détresse affective.
— Regarde-moi Mary ! Je te dis la vérité et tu le prends mal, regarde-moi ! insista-t-elle.
— Tu sais Angéla, si je suis là ce soir c’est uniquement pour te voir, ce n’est pas pour le plaisir de me balader au restaurant sur mes jours de congé ! Je m’étais juré de ne pas mettre les pieds dans ce putain de restaurant pendant trois jours, je ne me serai déplacée pour personne d’autre que toi ! Tes pensées me déçoivent, tu me connais mal, tu ne me fais pas confiance Angéla, il est là le problème, tu n’as pas confiance en moi, pourquoi ? dis-je sur un ton ferme.
— J’ai peur Mary... j’ai peur d’avoir des amis et de les perdre. On a tellement été proche toutes les deux et là, on est tellement distante, ça me fait peur...
— La distance, c’est toi qui l’as imposée, pas moi ! Alors maintenant que le dossier de ton mari est en cours, tu vas arrêter de vivre comme si on allait t’expulser et tu vas redevenir comme avant. Ta vie s’est arrêtée au mois de janvier, tu t’es enfermée toute seule. Tu as pris du recul, j’en suis restée là ! répondis-je en colère.
— Tu as raison, c’est de ma faute, je deviens possessive à force d’avoir peur de perdre mes amis, mais tout ce qu’on faisait avant, ça me manque tellement.... si tu savais... dit-elle en essuyant ses larmes.
— Alors, réagis ! Toi non plus tu ne m’as pas envoyé de message ce week-end... Moi je n’insiste pas si je vois que je dérange, je prends mes distances. Je t’ai laissé tranquille parce que je savais que tu n’étais pas bien et que tu avais besoin de te retrouver avec ton mari. Il n’y a aucune mauvaise intention de ma part, bien au contraire. Je voulais te voir cet après-midi, mais tu attendais ton mari alors...
— Oui, c’est vrai, c’est moi qui t’ai laissé de côté, je suis désolée Mary, je ne me suis pas rendu compte des conséquences que tout cela entrainerait. Je ne veux plus vivre en Roumanie, je veux rester là et je sais que je peux être tranquille, les papiers sont en bonne voie.
— Qu’est ce que tu fais demain ? demandai-je à tout hasard.
— Je vais à Paris avec mon mari... répondit-elle gênée. Oui je sais, à chaque fois que tu me proposes de se voir, je ne suis pas disponible, mais il y a toujours quelque chose, ce n’est pas de ma faute.... continua-t-elle.
Je voyais les équipiers qui commençaient à se poser des questions, les regards se tournaient régulièrement vers le bureau pour voir ce qui s’y passait. Je n’avais pourtant pas envie de partir, mais il était temps.
Je fais l’ouverture demain et je n'ai pas envie d'aller me coucher. Angéla m’a bouleversé une fois de plus, elle me déstabilise, je ne sais jamais à quoi m’attendre entre nous. Elle exprime beaucoup ses émotions, j’ai du mal à m’y faire, j’éponge tout ce qu’elle ressent, je n’ai toujours pas de recul.
Maryline
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