
13 décembre 2002
Je suis en vacances depuis le début de la semaine. J’ai passé deux jours et demi avec Léa, dans le nord, chez sa nièce qui m’avait envoyé un faire-part de naissance. Dès que Léa a su que j’étais en vacances, elle m’a proposé de partir avec elle, sans rien dire à Pierrick. Juste avant de partir, je me suis bloqué le dos, comme par hasard... au lever du lit, j’ai entendu un « crac » et une vive douleur m’empêcha de me lever. Au fond de moi, je n’avais pas très envie de partir étant donné les conditions relationnelles difficiles que nous traversions. La douleur était telle que j’en avais des sueurs froides, j’ai vraiment eu peur. Elle irradiait sur tout le haut du dos. J’ai avalé deux anti-inflammatoires et j’ai attendu de voir ce que cela allait donner avant de prévenir Léa et d’annuler mon départ. La douleur est devenue supportable une heure après avoir avaler les cachets. Léa m’envoya un message pour me dire qu’elle était malade, bloquée sur les toilettes depuis le lever elle aussi... décidément... le voyage s’annonçait mal !
Nous avons quand même pris la route avec une heure de retard. Nous avons passé une première journée avec sa nièce qui nous présenta son petit bout de chou adorable, sa fille avait un mois. Nous avons discuté de tout et de rien, des banalités de la vie quotidienne peu réjouissante pour Léa. Nous avons passé la nuit là-bas, chacune dans son lit, Léa y tenait ! Je regardais la scène que nous étions en train de jouer avec détachement cette fois... je la trouvais pathétique.
Je me suis couchée et je me suis calée pour soulager mon dos qui me faisait toujours souffrir. Quand les mots ne sortent plus, le corps parle et exprime sa souffrance. Je ne me sentais pas à ma place, c’était celle de Pierrick, pas la mienne, les rôles ne collaient plus à la réalité. Je jouais un rôle qui ne m’appartenait plus, celui que Léa continuait à distribuer derrière le dos de son compagnon. Je n’avais plus rien à lui dire en fait, je ne comprenais pas ce que j’étais venue faire chez sa nièce, mon ex-belle-famille...
Léa n’était plus celle que j’avais connue, elle avait changé du tout au tout : physiquement, mentalement, je ne la reconnaissais plus. Celle que j’avais en face de moi me fatiguait, m’épuisait, me faisait mal... et mon dos me disait STOP. Notre relation était toxique et nous n’avions pas le courage de nous quitter. Qu’est-ce qui nous retenait ? La souffrance ? Je ne voyais que ça... une fois de plus... Coincée au fond de mon lit, j’écoutais ce que mon corps me disait. Je n’avais qu’une seule envie : rentrer chez moi.
Le lendemain matin, nous sommes reparties à 10 heures. Il était convenu que nous déjeunions ensemble chez mes parents au retour, ma mère étant seule le midi. Au dernier moment, en s’arrêtant devant la maison, Léa me dit qu’elle ne pouvait pas venir avec moi. Elle n’avait pas vu ma mère depuis un an et elle savait qu’elle ne la reconnaîtrait plus, elle avait peur de ne pas pouvoir affronter ce moment. Ma mère a beaucoup perdu de ses capacités en un an, je comprenais que cela pouvait être difficile, mais je trouvais sa décision injuste quelque part. Je me rendais compte que je donnais beaucoup pour les autres, mais que moi aussi, j’avais besoin de soutien et ce jour-là, je me retrouvais seule ...
Je suis descendue de la voiture, j’ai pris mon sac et j’ai quitté Léa sur le trottoir. J’ai ouvert la porte de la maison sans savoir si ma mère m’attendait, car je ne savais pas si Guillaume l’avait prévenue que je venais déjeuner avec elle. Il ne m’appelle jamais pour me tenir au courant de quoi que ce soit. Un de mes frères s’est cassé le pied, l’autre s’est fait viré de l’école pour insolence, j’ai su tout ça par hasard. Ma mère était seule.
— Tu n’as pas encore mangé ? lui demandai-je en arrivant.
— Non, j’attends Guillaume.
— Il ne rentre pas ce midi, il est en déplacement.
— Ah bon... répondit-elle étonnée.
Elle avait oublié, ou elle n’était pas au courant. J’ai ouvert le réfrigérateur pour savoir ce que j’allais pouvoir nous préparer. J’ai mis la table, j’ai préparé le repas et nous nous sommes installées, face à face. Ma mère ne parlait plus beaucoup, elle n’a jamais vraiment beaucoup parlé d’ailleurs. Parfois, elle commençait une phrase puis elle s’arrêtait comme si elle avait oublié la fin. Elle me regardait, elle me souriait, ses joues étaient toutes rouges. Pourtant elle disait avoir froid, avec deux pulls sur le dos. Je me demandais si elle ne confondait pas chaud et froid... J’aimerais savoir ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent, comment elle vit sa maladie, je n’ose pas poser de question. J’ai peur des réponses. Elle me disait qu’elle n’aimait pas le yaourt que j’étais en train de manger. Cinq minutes après elle a ouvert le même et le mangeait en me disant :
— Hum... ils sont bons ces yaourts-là !
— Tout à l’heure, tu m’as dit que tu ne les aimais pas...
— Non, je n’ai pas dit ça, ils sont bons.
Je n’insistais pas, je m’apercevais que la maladie évoluait très vite et qu’on ne s’en apercevait pas forcément. Je ne la reconnaissais plus, ce n’était plus ma mère cette femme en face de moi... Elle perd la mémoire, mais elle me reconnaît encore, moi j’ai toute ma tête et je ne la reconnais plus... Décidément, je ne reconnaissais personne.
Je suis rentrée chez moi en bus et depuis hier soir, la peur de perdre ma mère ne me quitte plus. Le cafard m’a envahie pendant ce déjeuner, je n’ai rien laissé transparaître devant elle, mais depuis que je suis rentrée, je pleure ma tristesse. L’avenir me fait peur, je me sens seule, déroutée. Dans douze jours, c’est Noël, je n’ai rien prévu. Ma sœur sera partie en Bretagne dans la famille de son compagnon. Je ne sais pas ce que vont faire mes frères. Je déteste les fêtes de fin d’année. Avant , c’était ma mère qui s’occupait de préparer Noël, elle se faisait un plaisir d’inviter ses frères et ses parents.
Il est temps que les vacances se terminent et que je retourne travailler pour m’occuper l’esprit. Le mois de décembre va être éprouvant.
Maryline
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