
20 janvier 2003
Angéla a fêté son anniversaire le 13 janvier, cela fait déjà une semaine. Avec ma directrice adjointe, Vanessa, nous lui avons offert un cadeau à cette occasion. Son mari nous avait renseigné sur une paire de bottes qu’elle avait remarqué depuis plusieurs semaines, mais qui lui semblaient beaucoup trop chères pour les acheter. Nous nous sommes cotisés pour lui offrir ces bottes qu’elle était émue de recevoir.
Il est une heure du matin, j’ai travaillé très tard ce soir. La journée d’hier a été éprouvante physiquement aussi, des équipiers étaient absents, du matériel était en panne et c’est toujours dans ces conditions inadéquates que nous avons le plus de clients. J’aidais mon équipier en cuisine quand une silhouette est apparue.
— Tiens ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? demandai-je à Angéla.
— Je viens te voir... tu as le temps de prendre un café avec moi ?
— Je ne sais pas, je n’ai personne à mettre en cuisine !
— Juste cinq minutes Mary ! insista-t-elle.
— Bon, j’arrive, je vais voir comment je peux faire.
J’ai demandé à une des équipières du comptoir de me remplacer cinq minutes. Angéla était partie en salle de pause, croyant que j’allais pouvoir vraiment me libérer, ce qui n’était pas le cas, je voulais surveiller le comptoir pour que tout se passe bien. Je suis allée la retrouver :
— Tu viens devant, au comptoir Angéla, je ne veux pas les laisser seuls...
— Si tu ne veux pas prendre un café, dis-le Mary ! me répondit-elle sur un ton contrarié.
— Ce n’est pas que je ne veux pas, c’est que je ne peux pas, ce n’est pas pareil ! dis-je excédée par son caprice.
— Hé ho ! Dis donc ! me dit-elle en me frappant d’un coup de journal sur les fesses, ses joues rougissant subitement.
— Quoi hé ho ? Arrête de me taper !
— J’avais envie...
— Envie ?
— De te taper avec le journal...
— Hum... de toute façon il faut toujours que tu me martyrises d’une façon ou d’une autre hein... dis-je en plaisantant devant sa gêne perceptible.
— C’est parce que tu le mérites... continua-t-elle dans cette conversation ambiguë.
— Ah oui ? Vraiment ? Pourquoi ?
— Parce que tu n’es pas saaaage !
— Ah bon ? Pourtant je pense que c’est le contraire.... je suis très sage, je n’ai rien fait... répondis-je en commençant à rire jaune.
Je lui ai servi un thé, j’ai pris un café, et nous nous sommes assises à une table juste devant le comptoir pour que je puisse avoir l’œil sur mon équipe et venir en aide au cas où. Angéla me parlait de son mari qui était parti à Paris pour un match, d’une amie de Paris qui était en train de faire un tour en l’attendant. Je l’écoutais, mais j’étais loin. Sa nouvelle coupe de cheveux lui allait super bien, sa couleur aussi, elle était magnifique. Je fondais littéralement sous ses grands yeux verts discrètement maquillés . Je remarquais ses longs cils, sa bouche dessinée au rouge à lèvres. Je ne l’avais jamais observée d’aussi près, je n’avais jamais osé, mais là, je ne sais pas, j’étais partie dans un rêve. J’ai plongé dans son regard jusqu’à ce que j’entende :
— Bah ! Pourquoi tu me regardes comme ça ? dit-elle en rougissant avec un énorme sourire.
— Hein ?... Heu... je ne sais pas... pour rien.
J’étais mal à l’aise, je ne savais pas quoi répondre, elle m’avait sortie d’un rêve éveillé. J’ai quitté ses yeux pour regarder ailleurs dans la salle, je sentais mes joues chauffer moi aussi, je ne voulais pas avoir de réflexion, j’avais le sentiment qu’elle lisait en moi.
— Au fait Mary, je voulais te dire... Je ne repartirai pas en Roumanie. Mon mari ne veut plus partir sauf pour les vacances, comme ça, tu as la réponse à ta question, je resterai là ! me dit-elle en passant sa main doucement dans mes cheveux...
— Tant mieux alors... il a raison, on vit mieux ici...
— Bien sûr... répondit-elle avec un petit sourire en coin.
Angéla m’avait effectivement parlé d’un projet que son mari voulait monter en Roumanie. Il ne savait pas encore ce qu’il allait décider, c’est chose faite et j’en suis bien heureuse. Elle était ravie de m’annoncer cette bonne nouvelle. Les cinq minutes accordées se sont transformées en une demi-heure, mais il fallait vraiment que je retourne en cuisine. Angéla est allée dans la salle de repos pendant que j’aidais mon équipière à remettre la cuisine en état. Comme je ne pouvais plus passer de temps avec elle, elle a décidé de rentrer chez elle. Elle est repassée par le comptoir, pour me dire au revoir. J’étais en train de vider les caisses, absorbée par les soucis du travail qu’il restait à faire avant la fermeture du restaurant. Angéla s’impatientait, car je ne lui donnais pas mon avis sur sa nouvelle couleur et sa nouvelle coupe :
— Alors ça me va ou pas Mary ? dit-elle en secouant la tête.
— Mais oui, tu es très jolie, comme d’habitude...
— Tu as l’air carrément fatigué, qu’est-ce qu’il y a ? me demanda-t-elle un peu soucieuse.
— Rien de spécial si ce n’est que je suis là depuis le début de l’après-midi, que j’ai des absents, qu’il y a beaucoup de monde, du matériel en panne, les caisses de la journée à compter... la routine quoi, tu vois... j’ai passé ma soirée en cuisine.
— D’accord je vois le tableau... bon, je vais te laisser, mon amie de Paris m’attend dehors. Je suis heureuse de t’avoir vue ce soir... à plus et bon courage ma chérie... dit-elle en posant sa main sur la mienne sur le comptoir.
— Merci à plus !
Je l’ai regardée partir, pensant qu’il nous était vraiment difficile de rester sans se voir plus de trois jours d’affilés. Je ne voulais pas m’attacher à une illusion, du coup je ne réagissais pas toujours comme elle l’attendait. Je sais que parfois, je suis un peu brute dans mes propos, mon instinct de protection se met en alerte.
Maryline
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