31 octobre 2017

Les traitements ingérables

Plante, Épine, Piquants, Vert, Nature


24 avril 2005


Mon beau-père n’en finit pas de me surprendre en ce moment. Je voulais fêter l’anniversaire de mon petit frère et j’hésitais à faire un petit repas chez moi entre frères et sœurs, ou un goûter chez mes parents pour ne pas trop déranger Guillaume. J’ai laissé le choix à mon frère et après discussion avec son père, il m’a rappelée pour m’annoncer que nous étions tous invités chez mes parents pour un repas. J’avoue que je suis agréablement surprise et limite perturbée après quatre ou cinq ans sans repas de famille... Je suis heureuse que tout le monde soit réuni et que ma mère puisse être présente aussi.

Ma mère est un peu plus éveillée depuis quelques jours, son traitement anti épileptique a été diminué, elle est moins somnolente. Mon beau-père se débrouille avec les associations pour remplacer l’aide à domicile pendant ses congés et le week-end. Ce n’est jamais évident de s’adapter à une autre personne pour les soins de ma mère. Les heures de coucher sont extrêmement contraignantes, le personnel soignant coucherait ma mère à 19 h. Comme Guillaume ne rentre pas forcément de bonne heure, il a préféré s’en occuper lui-même, après lui avoir donné à manger.

Alors qu’il me parlait de toute cette organisation ce soir à table, ma mère avait accroché mon regard et ne me lâchait plus. Guillaume était en train de lui donner un yaourt, il avait posé sa main gauche sur celle de ma mère. J’avais la sensation qu’elle voulait dire quelque chose, ses yeux parlaient pour elle. Puis, d’un seul coup le son sortit de sa bouche :

— C’est dur hein ? dit-elle à son mari.
— Oui, c’est dur... répondit-il.

Tout comme moi, il se demandait si parfois elle était lucide sur son état, elle répétait souvent qu’elle en avait marre. Ce soir, il me semblait qu’il considérait de nouveau ma mère comme sa femme et non plus juste comme une mère... J’étais touchée, émue... Il exprimait beaucoup de tendresse, moins de colère. Je suis persuadée que ma mère navigue entre plusieurs mondes, mais lorsqu’elle est avec nous, elle est complètement lucide. Je repensais à leur relation, au tout début quand ils se sont rencontrés, avant la naissance de mon frère, il était tendre avec elle, je le voyais bien. Après la naissance de mon frère, les choses ont changé, il voyait une mère, plus une femme. La maladie a fait qu’elle a repris son rôle de femme, n’assumant plus son rôle de mère... Les épreuves ouvrent les cœurs après les avoir broyés. Ce qu’on ne peut apprendre par la sagesse, nous l’apprenons malheureusement dans la souffrance. Je redécouvre un homme sensible et profondément blessé. Ma vision a changé, il n’est plus celui que j’avais connu et que j’avais tant détesté. Je suis rassurée sur le prochain repas de famille qui aura lieu dans quelques jours, tout devrait bien se passer et cela fait un bien fou de se sentir sereine, enfin !

10 mai 2005

J’ai appris hier, de la bouche de Guillaume que mon grand-père, décédé en 1996, aurait dû subir une nouvelle opération cardiaque et qu’il avait refusé, ne souhaitant pas revivre ce qu’il avait déjà vécu dix-sept ans auparavant suite à un triple pontage. Il a choisi sa mort, sur son lieu de vacances, pendant son sommeil. On en apprend tous les jours, neuf ans après sa disparition, cette information n’est pas de grande utilité sinon qu’il nous avait caché qu’il avait des problèmes de santé graves auxquels il ne voulait pas remédier. Ce choix lui a appartenu, il a décidé qu’il avait assez vécu et qu’il ne voulait surtout plus souffrir. Je respecte ce que les gens ont envie de faire de leur vie, quoiqu’il choisisse, cela reste un choix personnel, chacun est libre et responsable de sa propre vie, personne ne peut juger ce genre de décision. Que son âme reste en paix.

Ma grand-mère n’est pas en grande forme, elle fait une fixation sur ses voisins et inventent des histoires. Depuis une semaine, elle est à cran, son médecin devait passer la voir aujourd’hui. Mon oncle Patrice a demandé à ce qu’une infirmière passe pour donner les médicaments à sa mère, car elle ne les prenait pas correctement et cela entraînait des crises de paranoïa assez sévères.

Les traitements ne sont pas ajustés en ce moment, car, du côté de ma mère, l’anti épileptique que le médecin avait baissé a entraîné une crise d’épilepsie le jour de l’anniversaire de mon frère. Le traitement a dû être réadapté, ce n’est pas facile de trouver la bonne mesure pour que ma mère ne soit ni en crise ni en somnolence. On jongle sans arrêt avec les doses, c’est un cercle vicieux et sans fin.

22 mai 2005

Je rentre d’un week-end passé à Paris chez mon amie Karine. Il m’est bien difficile de cohabiter avec plusieurs personnes sur plusieurs jours. Je suis en vacances et j’aimerais me vider la tête, être seule, au calme.

Dans huit jours, ce sera la fête des Mères et Karine ne comprend pas pourquoi je n’ai pas envie d’acheter de cadeau à ma mère, juste pour lui faire plaisir. Si elle voyait ma mère, elle comprendrait que la notion de plaisir n’existe plus depuis longtemps. Nous sommes dans une dimension de soins vitaux, le plaisir, nous n’en parlons même pas. Ma mère ne sait plus ce qu’est un cadeau, elle ne sait plus qu’elle est ma mère, elle ne sait plus que je suis sa fille... à quoi bon ? Si ce n’est juste me faire mal. Ma mère est là sans être présente, celle qui m’a élevée n’existe plus, seule reste son enveloppe physique qui ne lui ressemble plus non plus. Peut-être qu’au fond de moi, je m’habitue déjà à ne plus fêter certains événements douloureux. Le mois de mai est chargé en émotion entre les dates d’anniversaire de mon petit frère le tout premier jour, le mien juste au milieu et la fête des Mères qui clôture le mois... c’est beaucoup d’un coup, une accumulation d’émotions tristes.

Sophie se prépare à se faire opérer le 3 juin, les tensions montent, je me pose beaucoup de questions, je sens des surprises après l’opération, je ne sais pas pourquoi... J’ai l’impression de ne vivre qu’avec des gens malades depuis dix ans, j’ai de plus en plus de mal à accepter la maladie autour de moi. 
Maryline

30 octobre 2017

L'accompagnement des malades Alzheimer

Vieil Homme, La Personne Âgée, Personne


26 février 2006

J’ai regardé une émission de Jean-Luc Delarue sur la maladie d’Alzheimer. C’était un reportage touchant et reflétant bien la réalité. Les gens qui n’acceptent pas la maladie de leur proche s’infligent une double peine. Ils ne rendent pas service à la personne malade en niant la maladie. Croire que le malade pourrait redevenir comme avant est une pure utopie. Le premier deuil se fait assez rapidement, car il concerne celui de la personnalité du malade. Il est nécessaire d’apprendre à accepter et à connaître cette nouvelle personne qui se dessine sous nos yeux. Notre acceptation permet au malade de déculpabiliser, d’être moins angoissé. Notre rôle est de le guider dans son quotidien, dans des tâches simples. Le laisser se débrouiller tout seul sous prétexte de conserver une certaine autonomie, multiplie les angoisses et ne sert qu’à aggraver les choses. Accepter c’est soutenir le malade.

J’ai dit un jour que j’avais fait le deuil de ma mère telle qu’elle était avant, en tant que femme active. Le mot "deuil" fait peur... j’ai choqué mon entourage parce qu’ils avaient l’impression que j’avais déjà enterré ma mère alors que ce n’était pas du tout ce que je voulais dire. On assimile souvent le deuil à la mort alors que le deuil a une multitude de significations.
Faire le deuil de quelqu’un ou quelque chose est un processus psychique par lequel on parvient à se détacher de quelque chose. Je m’étais détachée de la personne qu’était ma mère avant la maladie tout simplement. J’accueillais sa nouvelle personnalité au jour le jour.

La maladie d’Alzheimer est une succession de deuil pour la famille qui doit accepter de voir son proche perdre toutes ses facultés une à une pour finalement, ne redevenir plus qu’un nourrisson comme si on remontait le temps en sens inverse et en vitesse accélérée.

J’ai prêté un livre sur la maladie d’Alzheimer à mon beau-père et je suis assez surprise par son attitude. Il en a déjà lu et retenu quelques passages concernant le comportement à adopter face au malade. Je lui ai proposé de lui prêter aussi ma cassette sur l’émission de Delarue, il est d’accord pour la visionner. C’est agréable de le sentir à l’écoute et enfin prêt à parler de cette fichue maladie. C’est plus facile de trouver des solutions pour résoudre les problèmes du quotidien quand on peut partager, dialoguer et se serrer les coudes.

L’aide à domicile lit aussi le livre que j’ai laissé dans la bibliothèque en évidence pour celui qui veut se renseigner et accompagner.

Hier en arrivant chez mes parents, ma mère était allongée dans le canapé. Quand je me suis approchée, elle m’a souri, puis d’un seul coup, ses yeux sont devenus larmoyants et elle me dit comme un cri du cœur :

— Oh Madame ! Si tu savais !...

Interloquée devant sa tristesse soudaine, je n’ai su que répondre. Je l’ai embrassée et je me suis assise en silence à ses côtés. Si je savais quoi ? Je ne saurais jamais...

14 mars 2005

Je dors très mal en ce moment, je fais des cauchemars. Je rêve que je vomis du sang ou que je perds mes dents. Je n’ose même pas regarder les significations de ces cauchemars. Je me réveille très souvent.

J’ai repris le footing, j’arrive à courir une heure et cela me fait le plus grand bien. Je sens le printemps arriver à grands pas, j’ai hâte de voir les jardins en fleurs, de sentir les rayons du soleil sur ma peau, sa lumière sur mon visage.

J’ai acheté quatre livres sur la maladie d’Alzheimer. Pour combattre son adversaire, il faut apprendre à le connaître ! J’ai trouvé deux livres d’Annie Ernaux « Une femme » et « Je ne suis pas sortie de ma nuit », un autre de la journaliste Catherine Laborde « Pourquoi ma mère me rend folle ? », et un journal écrit par une malade Alzheimer de quarante-neuf ans.

J’ai envoyé un courrier à l’association France Alzheimer pour avoir des informations sur les possibilités existantes pour soigner les malades à domicile.

12 avril 2005

J’ai eu une bonne nouvelle et une mauvaise... Léa m’a annoncé qu’elle allait se marier avec l’homme qu’elle a rencontré il y a quelques semaines... un Congolais que j’ai eu l’occasion de rencontrer et qui me semble avoir une sagesse sécurisante pour Léa.... mais que dire d'autre ? Sa décision est trop rapide pour moi, mais en même temps, cela ne m'étonne pas de Léa, si elle ne vit pas à 200 à l'heure, elle ne vit pas du tout...

La mauvaise nouvelle c’est que Sophie a fait des examens pour des douleurs aux ovaires, elle va se faire opérer le 3 juin pour un kyste à l’ovaire, elle souffrirait d’endométriose, une maladie dont je n’ai jamais entendu parler et elle non plus. Le sort s’acharne sur les gens que j’aime...
Maryline

 

27 octobre 2017

Le racisme cache une profonde souffrance

 Les Mains, Cohésion, Ensemble


03 février 2005

« Maman, 
Depuis une heure, je suis là, assise en face de toi, mais tu ne me vois pas. Tu me regardes sans me voir. Tu parles avec des êtres imaginaires, j’entends à peine le son de ta voix, tu murmures, tu chuchotes. Je devine à l’expression de ton visage si tu es bien, si tu es joyeuse ou en colère. Tu vis dans un monde qui m’est inaccessible, le monde invisible, tu y fais des rencontres qui t’animent. Tu es sans cesse à l’affût de ces voix que je n’entends pas, tu as l’air épuisé, elles ne te laissent donc jamais en paix ? Si je n’étais pas là au fond, cela ne changerait rien pour toi, tu ne te sentirais pas plus seule pour autant, tu es entourée d’êtres invisibles à longueur de journée. Quand je te parle, on dirait que tu ne m’entends pas, nous avons vraisemblablement un problème de fréquence... Où es-tu donc partie ? À qui parles-tu depuis une heure ? J’aimerais parfois être dans ta tête pour savoir ce qui s’y passe. Tu passes du rire aux larmes sans raison... »
 
Mon beau-père était fin psychologue ce soir, pour une fois ! Il s’inquiète pour mon jeune frère qui a des idées racistes de plus en plus fréquentes et virulentes. Effectivement, ce n’est pas vraiment l’ambiance dans laquelle nous avons grandi. Je pense que mon frère est un écorché vif, il est dans une extrême souffrance par rapport à ma mère et il rejette sa haine sur une certaine catégorie de personne. Il a réalisé que ma mère était gravement malade depuis cinq ans, il n’a que dix-huit ans, et il a l’impression que c’était hier, car il n’a pas franchi le cap de l’acceptation. Il est resté scotché sur la colère. Le stress modifie la notion du temps et notre perception de la vie. Mon frère était jeune quand ma mère est tombée malade, ce n’est pas étonnant qu’il ait du mal à franchir les étapes. Mon beau-père aussi est passé par une phase d’agressivité extrême quand il a appris le diagnostic de la maladie. Les personnes qui en ont fait les frais ne sont pas les étrangers, mais ma sœur et moi, sans parler de mes oncles. Il dirigeait sa haine envers nous alors que nous y étions pour rien. 

Depuis qu’il a accepté la situation et qu’il se fait suivre psychologiquement, les relations s’améliorent. Mon frère n’est pas suivi et n’a rien accepté du tout, il est dans la colère et la haine, il faut bien qu’il évacue d’une façon ou d’une autre. Mon frère n’est pas raciste au fond lui, ce n’est pas un garçon méchant, c’est un adolescent en pleine crise et en pleine souffrance face à la vie. Je sais très bien que derrière ses mots qui peuvent choquer, il y a un cœur qui sait dire « je t’aime ». Il aurait tout aussi bien pu retourner cette colère vers lui-même et se détruire. Tout ce que je peux lui souhaiter, c’est que ses idées et ses propos ne lui apportent pas trop d’ennuis, il trouve toujours le moyen de se faire rejeter, comme s’il ne pouvait pas être aimable. Il est trop jeune pour prendre du recul par rapport à ses idées. Ce qui m’inquiète le plus, ce ne sont pas ses propos, mais ce qui se cache derrière le racisme. Comment désamorcer les angoisses face à une mère qui se transforme en « légume » comme on dit vulgairement ? Se sent-on plus fort quand on est bourreau ?

Au lieu de se faire aider, mon frère se fait rejeter avec ses idées provocatrices, car il s’agit bien de provocation pure et simple. Il ne veut pas montrer ses faiblesses, et pourtant, elles sont tellement légitimes. Mais dans notre société, c’est bien connu, quand on est un homme, on ne pleure pas, on est fort ! Sauf que je sais que mon frère pleure... Derrière son armure, le cœur pleure toute sa douleur. Il n’a pas l’âme d’un nazi, il est attendrissant, j’espère qu’il saura mettre les limites à sa colère et à sa haine et que personne ne sera victime de sa souffrance. Derrière les bourreaux se cachent des gens en souffrance... ce sont eux-mêmes des victimes de leur propre histoire, victime de leurs émotions débordantes, victime de leurs pensées qui tournent en boucle, victime de leur ignorance...

Mon beau-père a progressé dans sa façon de voir les choses, mais nous avons dû couper les ponts pendant quelque temps avec ma sœur pour échapper à sa haine. Aujourd’hui, peut-être qu’à travers mon frère, il revoie certaines facettes de lui-même, peut-être se rend-il compte de ses propres erreurs. Aujourd’hui, je lui accorde des circonstances atténuantes pour les comportements qu’il a eus, les mots qu’il nous a envoyés, mais le restant de ma famille n’est pas prêt à revenir vers lui. Ils se sont éloignés et ne reviennent pas parce qu’eux-mêmes sont ancrés dans leur colère. C’est un cercle vicieux, si personne ne sort de la roue elle continue de tourner inlassablement, comme le hamster dans sa cage. S’il monte dans sa roue, il peut tourner longtemps sans arrêter avant de décider de descendre.... Dans certaines situations, les humains se comportent comme des hamsters. Ils montent dans la roue et pédalent vite en croyant que plus ils pédaleront, plus ils avanceront. Sauf que s’ils ne sortent pas de la roue, ils n’iront nulle part et resteront dans leur prison, celle du mental. Pour sortir de la prison, il faut descendre de la roue afin de trouver la sortie...

Chacun devrait prendre conscience de ses fonctionnements, cela éviterait de déverser la colère et la haine sur les autres et la transformer en quelque chose de constructif ou de créatif. Si chacun s’y mettait, à se regarder en face, il ne pourrait plus y avoir de guerre.

Quelque chose m’a perturbée ce soir, chez mes parents. Quand je parlais à ma mère, elle ne répondait pas, comme si elle ne m’entendait pas. Dès que mon beau-père est arrivé, elle est sortie de son monde imaginaire et semblait comprendre ce qu’il lui demandait. Parfois elle répondait à ses questions, c’était le seul qui la faisait réagir. Pourquoi n’entend-elle pas les autres ?
Maryline

 

CHAMANISME TOLTÈQUE, LE RÉALISME SPIRITUEL



Les  chamanes toltèques ne sont pas que des guérisseurs. Ils sont avant tout des explorateurs de l'inconnu et, en particulier, de LEUR  inconnu, aussi illimité et surprenant que l'inconnu  de l'univers.

C'est pourquoi ils possèdent des capacités psychologiques et énergétiques qu'ils utilisent d'abord pour transformer leur existence personnelle, pour s'autoguérir et  éventuellement, pour s'adonner à la guérison d'autrui. Des capacités que ne possède pas l'homme normal qui se contente de tourner en rond dans son connu (son anneau de pouvoir), ce qui explique d'ailleurs son insatisfaction et sa morosité, ses souffrances, ses blocages, ses maladies  et sa faiblesse physique.

Aussi bien les spiritualités opérationnelles que la science nous montrent en effet que la conscience humaine n'est pas prévue pour s'arrêter au niveau de conditionnement  où elle se trouve bloquée actuellement mais pour aller beaucoup plus loin et ce "  plus loin " est déjà le terrain d'exploration des chamanes toltèques.
La conscience de l'être humain est à la fois le réservoir et l'outil de la connaissance. Comme réservoir de ce qu'il connaît déjà, c'est la mémoire, et comme outil de ce qu'il ne connaît pas encore, c'est son intelligence et sa curiosité.

L'acte de connaître permet à l'homme d'agir de façon juste et donc favorable à sa survie et à son bonheur. Mais l'homme ne connaît pas tout ce qui existe dans l'univers, notamment sa propre personne. On peut penser que s'il n'a pas tout le bonheur qu'il désire c'est précisément à cause de cette connaissance limitée. Il passe donc son existence entre ce qu'il connaît (son connu) et ce qu'il souhaite connaître (son inconnu) pour tâcher d'améliorer sa vie  et pour  accéder à ce bonheur. C'est pourquoi, le temps est divisé en trois zones : le passé qui contient son connu, le futur qui contient son inconnu et le présent qui sert à faire passer de l'inconnu au connu, c'est-à-dire à apprendre.

De quoi est constitué et comment est utilisé ce connu ? (que les chamanes toltèques appellent le "tonal"). Il est essentiellement constitué  de routines et d'habitudes qui se trouvent dans la mémoire et utilisé comme tel. La mémoire est en effet la grande organisatrice de ce connu. La mémoire nous conditionne et nous fait agir tout le temps de la même façon. Si l'être humain n'a pas tout le bonheur qu'il souhaite, il est donc  logique de penser que certaines de ces habitudes et routines sont inefficaces et même totalement contraires à son  bonheur. Et s'il est vraiment décidé à changer sa vie, la solution est donc d'aller dans l'inconnu pour les remplacer par de nouvelles mémoires.

Pour aller dans l'inconnu chercher de nouvelles façons de penser, de ressentir et d'agir, l'apprenti-chamane va devoir trouver un nouvel espace de conscience, un espace de pure créativité où la mémoire n'a pas de pouvoir puisque son rôle n'est pas de favoriser ce qui est nouveau mais de conserver ce qui est ancien. Cet espace existe, il fait partie de notre conscience totale, les chamanes l'appellent le nagual.

Comment passe-t-on du connu à l'inconnu ? Tout simplement en acceptant d'apprendre quelque soit notre âge. Puis, surtout, en incorporant ce qui est appris dans la vie quotidienne pour que les choses changent vraiment.

Pour explorer l'inconnu, l'apprenti chamane toltèque doit aussi être doté d'un certain niveau de motivation et même  d'une ténacité nécessaires pour dompter la mémoire, cette force qui veut le maintenir dans son connu et ,à cause de cela, appelée par les chamanes " force de permanence ". Une énergie  de sens opposé, appelée " force de créativité cosmique ", favorise au contraire le changement et  la transformation de tous les êtres de l'univers et, bien sûr, elle  attire la conscience humaine vers l'inconnu, le nagual.  On estime en effet en chamanisme qu'être capable de changer et de transformer son existence soi-même c'est vraiment   créer sa vie.
Sur son   chemin  vers l' inconnu,  l'apprenti-chamane découvrira  le pouvoir de l'âme, ce qui lui  donnera la force d'en ramener  les solutions à tous les problèmes de sa vie quotidienne,  de retrouver la santé, la joie et la sérénité s'il ne les possédait pas, puis de  trouver tous les outils nécessaires pour  réaliser toutes les transformations existentielles  qu'il souhaite, enfin, si telle est sa vocation,  de se vouer à la guérison spirituelle de ses semblables.

En résumé,  pour utiliser le chamanisme toltèque comme outil d'épanouissement personnel il est d'abord indispensable de prendre plaisir à apprendre. Ensuite  il faut développer la ténacité et la motivation  nécessaire pour rétablir l'équilibre entre ces deux forces  (mémoire et créativité existentielle)  afin de se libérer du pouvoir excessif de la mémoire  et   de se réaliser pleinement. Ces deux capacités s'apprennent au fur et à mesure que l'apprenti  commence son initiation.

PAUL DEGRYSE
http://chamanisme-ecologie.com

 Ouvrages :

- 1987 : « le développement personnel systémique » (ed. Accarias-l’originel)
- 2005 : « mettre du pouvoir dans ses actes » (ed. Dervy)
- 2007 : « Chamane, le chemin des immortels » (Ed.Dervy)
- 2008 : « Le dit des chamanes » (Ed. accarias-L’originel)
- 2012 : « Pratique des gestes conscients toltèques » (Ed.Médicis-Dervy)
- 2013 : « Le chamanisme Toltèque et le pouvoir de l'âme » (Ed.Dervy)
- 2016 : « Chamanisme toltèque, le réalisme spirituel » (ed. Lanore)


26 octobre 2017

Ma chère Maman

 Fleur, Red, Pétale, Bloom, Jardin


21 octobre 2004

Sept mois ont passé sans que j’écrive. J’ai acheté un petit carnet pour pouvoir le laisser dans mon sac et écrire n’importe où, ou presque. Il m’arrive souvent d’avoir envie d’écrire certaines réflexions et de ne pas pouvoir le faire si je ne suis pas chez moi. J’ai collé une photo de phare sur la couverture, un phare breton, pas celui qui se mange, celui qui est au milieu de l’océan ! J’adore les phares, il représente la solitude au milieu de la tempête, l’éclaireur qui empêche les gens de s’échouer, la force face au vent et aux vagues déferlantes, la droiture, quel que soit le temps.

J’ai vu ma mère aujourd’hui, j’étais seule avec elle. Elle était allongée sur le canapé, elle ne parle plus, elle chuchote parfois. Elle s’est a jamais réfugiée dans son silence. Elle réagit toujours aux gestes brusques et aux cris. Moi non plus, je n’aime pas entendre les gens crier ou s’agiter dans tous les sens.


14 décembre 2004

Sophie est partie travailler sans m’envoyer de message, ce n’est pas son habitude, et comme je ne suis pas en forme, je me pose des questions. Les projets de couple semblent impossibles...

Je suis allée rendre visite à ma mère hier et j’ai eu la désagréable surprise de voir un lit médicalisé installé dans la chambre du rez-de-chaussée. Elle ne peut plus monter à l’étage, désormais elle dormira en bas, dans mon ancienne chambre.
Elle était très fatiguée hier soir et dans un soupir je l’ai entendu murmurer :" je veux partir... » Cette phrase tourne en boucle dans ma tête depuis hier soir. Je sais que ma mère est en train de vivre ce qu’elle ne souhaitait surtout pas. Je sais qu’elle aimerait qu’on intervienne pour mettre fin à ce cauchemar. Je sais à quel point elle peut être en souffrance dans ces moments de lucidité. Je sais.... et je me sens impuissante ! Ces mots prononcés de sa bouche quelques années auparavant, alors qu’elle était en très bonne santé, me reviennent sans cesse :" si un jour je deviens un légume, il faudra m’aider à partir, je ne veux être une charge pour personne, j’ai prévenu le médecin. » J’ai bien entendu cette demande encore hier soir et j’en suis malade...


26 décembre 2004

Ma chère Maman,

Encore un Noël passé sans toi... Aujourd’hui, toute la pression de la semaine retombe, je n’ai pas du tout le moral. Je pense beaucoup à toi, à ce que tu as dit la dernière fois qu’on s’est vu. Tu veux « partir », mais moi je ne suis pas prête à te laisser partir, je n’ai pas envie d’entendre ça, je ne suis pas pas prête à vivre ton absence. Cette phrase me hante depuis une semaine, je ne dors pas beaucoup, je fais des cauchemars, et là, je suis fatiguée de ces fêtes de fin d’année. J’ai passé le réveillon chez moi, ma sœur était chez elle, ma grand-mère chez elle aussi, chacune seule chez soi.... Joyeux Noël à tous !

Le cœur n’est pas à la fête, j’ai quand même fait un repas aujourd’hui avec ma sœur et mes frères, leurs amies respectives et Sophie. Je l’ai fait pour mes frères. C’est trop dur. Je ne veux plus entendre parler de Noël...


14 janvier 2005

Ma chère Maman,

Une nouvelle commence, cela fait cinq ans que je te regarde perdre tous tes moyens. Tu as perdu tes facultés intellectuelles et là, tu es en train de perdre tes facultés physiques. Tu ne peux plus monter à l’étage, nous t’avons installé un lit médicalisé au rez-de-chaussée. Tu ne peux plus monter dans la baignoire, Guillaume a acheté un bac comme chez les coiffeurs pour pouvoir te laver les cheveux.

Hier je t’observais, tu t’es levée pour marcher, tes jambes ne te soutiennent plus, bientôt ce sera le fauteuil roulant... Nous ne pouvons plus communiquer, seuls nos regards se croisent et se parlent de temps en temps. Le tien est vide, transparent et brillant. Je te rends visite une fois par semaine et je reviens chez moi avec l'angoisse de te perdre, je n’avais pas prévu que cela arriverait si tôt, je n’arrive pas à m’y faire.

Assise à côté de toi dans le canapé, j’ai posé ma main sur la tienne, tu l’as prise et tu l’as serrée. Ta main était tellement chaude... nous avons eu tellement peu de contact physique qu’à chaque fois, je suis surprise par tes gestes. Peut-être que c’est moi qui étais « sauvage », peut-être que c’est toi qui n’étais pas tactile, je ne sais pas, quoi qu’il en soit, les barrières tombent un peu trop tard...

Depuis quelques mois, je n’ai plus envie de partager tout ça avec mon entourage, je n’appelle plus mes oncles et tantes. Je préfère aller te voir seule aussi. La vie me semble tellement superficielle. Je me sens seule et j’ai envie de rester seule parce que les gens ne peuvent pas comprendre l’état d’esprit dans lequel je me trouve. Quand on n’a pas vécu cette épreuve, cette souffrance, on ne peut pas comprendre. Même si en société, je mets le masque de la bonne humeur, à l’intérieur de moi, je suis meurtrie, dévastée par la vie.
De l’extérieur, les gens voient « Mary qui rit » et ne se rendent pas compte qu’à l’intérieur Mary pleure. Mon cœur est triste, mon âme est écorchée, j’ai endossé une double personnalité, le personnage public passe-partout, et le personnage intérieur, authentique dans ce qu’il vit. Ta fille frôle la schizophrénie en conscience... C’est sans doute une question de survie. Ma personnalité privée ne se dévoile forcément que lorsque je suis seule, et elle s’exprime quand j’écris. Elle exprime ses tortures morales, elle laisse s’échapper les larmes qu’elle retient en public.

Quand Mary travaille, elle endosse une tenue qui la rend forte : pantalon, chemise, cravate... on ne peut rien trouver de plus droit avant l’uniforme ! Ce costume me sert de bouclier, je me sens intouchable quand je le mets. On dit que l’habit de fait pas le moine, j’en suis convaincue, mais il donne une image que l’extérieur respecte ou pas... cela suffit à me protéger et à me rendre forte. C’est un peu comme s’il transformait mon énergie. Je peux ainsi endosser un rôle commercial quelques heures par jour. Je me déguise pour jouer un rôle dans un restaurant, une pièce de théâtre, ni plus, ni moins.

Même si je ne laisse rien transparaître, certaines personnes comme Sophie sont sensibles à ce que je ne montre pas. Mes angoisses non exprimées la rendent nerveuse et autoritaire. Elle ne supporte pas de ressentir des choses qu’elle ne maîtrise pas et surtout, qui ne lui appartiennent pas... mais sait-elle au moins qu’elle éponge ce qui ne lui appartient pas ? Je ne pense pas...

Ma chère maman, tu es une partie de ma vie que je garde pour moi et que je ne partage qu’avec mon stylo et mon carnet. Avant que tu nous quittes complètement, il faudrait que j’arrive à te dire que je t’aime...
Maryline

 

25 octobre 2017

La jalousie détruit tout

Femme, Young, Pluie, Étang, Fond, Assez


5 mars 2004

Depuis que Léa m’a recontactée, nous nous sommes envoyé de multiples messages, les uns plus émouvants que les autres, et nous nous sommes revues pour passer des moments de loisirs que nous avions déjà en commun, comme aller traîner dans les bouquineries et autres entrepôts de livres d’occasion à la recherche de la perle rare qui interpellerait notre cœur. Nous avons retrouvé notre complicité, nos fous rires et nos délires. J’étais heureuse de retrouver celle que j’avais connue avant qu’elle ne rencontre JP.

Dans un domaine beaucoup moins exaltant, hier nous sommes allées rendre visite à ma mère. J’appréhendais un peu, car Léa n’avait pas revu ma mère depuis plus de deux ans et je me disais que ma mère la reconnaîtrait, mais n’arriverait peut-être pas à mettre un nom sur son visage. Quand je me suis garée devant chez mes parents, j’ai questionné Léa :

— ça va aller ?
— Oui, ne t’inquiète pas, je prendrai les choses comme elles viendront, si elle ne me reconnaît pas, tant pis.... je m’y attends, tu sais....

Il pleuvait, pour une fois ma mère n’était pas dans le jardin. J’ai ouvert la barrière en sonnant quand même pour prévenir de mon arrivée. C’est mon frère qui nous a ouvert la porte, ma mère se trouvait juste derrière lui. Elle passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte et vit Léa qui marchait devant moi. J’ai vu son visage s’égayer avec un large sourire, elle avait reconnu Léa !

— Bonjour.... dit Léa timidement.
— Oh ! C’est bien ça, je suis contente ! répondit ma mère en l’embrassant.

La joie s’inscrivait sur son visage, j’étais heureuse de lui avoir fait plaisir. Nous sommes entrées et nous nous sommes assises autour de la table de la salle à manger. Ma mère nous scrutait avec insistance, comme si elle cherchait quelque chose, un prénom peut-être... un souvenir... je ne sais pas.

Mon frère est allé réveiller son amie qui dormait, car ils avaient eu un accident de voiture tous les deux, elle avait eu le coup du lapin et une sciatique a suivi le contre-choc. Mon frère était arrêté a un feu et une camionnette leur a foncé dedans. La voiture est morte, ils ont eu beaucoup de chance. Son amie devait aller passer une radio, mon frère se préparait à l’emmener quand ma mère dit à sa future belle-fille :

— Elle fait partie de chez nous celle-là, tu sais ? En pointant Léa du doigt qui devint toute rouge.

Ça m’a fait chaud au cœur, elle n’avait pas oublié que Léa était sa « fille adoptive » reconnue noir sur blanc sur une feuille de papier qu’elle avait écrite et que Léa a toujours gardée dans son porte-feuille. Cette maladie fait oublier beaucoup de choses, mais conserve l’essentiel : l’amour. C’est tout ce qui compte... le reste n’est que futilité.

Depuis que je vois Léa régulièrement, mes relations avec Sophie se dégradent de plus en plus. Elle a annulé la semaine que nous devions passer ensemble à Cabourg. Les sentiments s’expriment dans la colère, elle est sur la défensive. J’ai beaucoup de mal a supporter ce rejet qu’elle a envers moi. Cela m’attriste profondément. Une certaine jalousie règne et détruit tout ce qui restait encore intact entre nous. Elle n’a pourtant aucune raison d’être jalouse, j’aime Léa sans aucun doute, mais d’une façon qu’elle ne peut pas comprendre. Si l’amour entre nous n’était pas inconditionnel, nous ne pourrions plus continuer à nous fréquenter depuis longtemps. Léa reste sûrement accrochée à ses sentiments, mais de mon côté, les choses sont très claires, mon amour est fraternel plus qu’autre chose.

Quand j’aime quelqu’un, je peux être amenée à aimer profondément sans pour autant avoir d’attirance physique, j’aime plusieurs personnes d’un amour indescriptible et pourtant, je n’ai aucune attirance physique ou sexuelle. Des gens sont restés dans mon cœur même après les séparations parce que je suis en paix avec ce que je ressens. Derrière les conflits, il reste toujours l’amour au final. Une fois les émotions négatives évacuées, l’amour reste quoiqu’il arrive avec tous. Quand on reste accroché au négatif, on ne ressent plus l’amour. Alors oui, je porte beaucoup de gens dans mon cœur, je n’est pas d’exclusivité, je ne peux pas avoir d’exclusivité et parfois je trouve que la vie de couple impose quelque part une certaine exclusivité qui ne devrait pas exister.
J’ai souvent remarqué que je suscitais la jalousie à ce niveau là, dans mes relations, c’est quelque chose que je ne comprends pas. Quand on a un cœur ouvert, il demande à aimer, c’est ce qui nous rend vivants, c’est ce qui nous rend joyeux : AIMER. Aimer n’a rien à voir avec désirer, s’attacher, posséder... Aimer c’est accueillir l’autre et le respecter tel qu’il est dans son entièreté, sans chercher à changer quoi que ce soit. Aimer c’est ne pas se servir de l’autre pour remplir nos vides intérieurs. Aimer c’est laisser l’autre libre. Aimer c’est juste ÊTRE, sans attente.
Une part de moi a cette connaissance de l’amour véritable et est capable de l’intégrer surtout, alors qu’une autre partie de moi n’arrive pas à avoir ce recul avec Sophie par exemple. Le rejet est tellement puissant qu’il engendre des émotions trop fortes pour que je puisse m’en détacher. Ne pas être aimée ne me touche pas, mais être rejetée, c’est une autre dimension qui m’affecte particulièrement et m’affaiblit moralement. Je pense que c’est particulièrement lié à mon expérience d’adolescente où j’ai été littéralement humiliée et rejetée pour ce que j’étais alors que je découvrais le bonheur d’aimer. J’ai été choquée, oui je peux le dire comme ça, humiliée et insultée parce que j’aimais une autre adolescente. J’en ai longtemps voulu à la terre entière, à l’amour lui-même puisqu’il me détruisait. Ce n’est pas l’amour qui fait mal, c’est ce que les gens en font.

En mai je louerai un gîte en Bretagne pour prendre l’air et décompresser un peu. Je partirai seule ou accompagnée, je ne sais pas encore...
Maryline

24 octobre 2017

Quand les esprits se rencontrent...

Pont, Or, Lumière, Mystique, Dramatiques

21 février 2004

J’ai eu une sacrée surprise hier en allumant mon téléphone après le travail ! J’avais un message de Léa qui me disait qu’elle n’était pas en Normandie, mais qu’elle aurait besoin de récupérer des livres qu’elle avait laissés chez moi, dont le Code civil. Elle m’a donné son nouveau numéro de téléphone pour que je puisse l’appeler pour que l'on puisse se voir. Hier, nous étions le 20, c’était la date anniversaire de Gilles, son ex-mari décédé. En arrivant chez moi, je lui ai renvoyé deux messages pour lui dire qu’elle pouvait venir quand elle le souhaitait.
Le soir même, j’étais déjà couchée avec mon livre entre les mains, mon portable sonna :

— Salut, c’est Léa !
— Salut...
— Je ne t’appelle pas pour t’embêter, je voudrais juste récupérer mon code civil.
— Oui, j’ai bien compris, je t’ai renvoyé deux messages, tu ne les as pas eus ? demandai-je étonnée.
— Si, mais j’ai changé de téléphone hier et je suis un peu dépassée par les événements... Comment tu vas ?
— ça va... sans plus...
— Et Sophie ?
— C’est terminé...
— Ah bon ? Pourquoi ? s’étonnait-elle.
— On se prend trop la tête, c’est compliqué... je crois qu’elle n’assume pas vis-à-vis de sa famille, c’est lourd...
— Alors là tu me scotches ! Je pensais qu’elle assumait complètement... Je ne m’attendais pas à ce que tu me dises ça...
— Et ta mère ? Comment va-t-elle ? continua-t-elle.
— Elle est sous traitement antiépileptique...
— Elle prend quoi ?
— Je ne sais plus le nom... pa... kine... heu.... je ne sais plus...
— Dépakine ?... Répondit-elle sans hésiter.
— Oui, c’est ça !
— Hum... hum...

Le silence s’installa entre nous, Léa savait ce que cela voulait dire, tout autant que moi. J’ai enchaîné pour changer de sujet :

— Et toi ? Depuis novembre, comment tu vas ?
— Bah j’ai rompu avant Noël, j’ai fait deux tentatives de suicide en décembre, deux en janvier, je voulais vraiment en finir... Avec JP les rapports sont devenus violents, il a fini par me casser un doigt. Là il est chez sa mère, dans le nord, car il travaille là-bas et j’ai la trouille de rentrer chez moi parce que je ne sais pas ce qu’il fait le week-end.
— Pourquoi tu ne portes pas plainte ?
— J’aimerais bien, mais si je fais ça, il va perdre la garde de ses gosses, la petite n’a que quatre ans...
— En attendant, la gamine, elle vit avec un père alcoolique et violent, porter plainte conte lui, c’est peut-être aussi protéger les enfants... tu ne peux pas savoir ce qui peut se passer...
— Elle ne se souviendra pas, elle n’a que quatre ans...
— Non, mais tu rigoles ou quoi ? Tu sais quels souvenirs j’ai de mon père ? Je n’avais que cinq ans quand ma mère a décidé de partir, je n’ai que des souvenirs d’alcool et de violence, sans parler de ceux que j’ai oublié, mais qui me pourrissent inconsciemment la vie !
— Pour moi c’est fini, j’ai des affaires à récupérer, mais je ne sais même pas si je vais les récupérer.
— Tu devrais te protéger...
— En tout cas, j’ai beaucoup pensé à toi et je peux te dire que tu m’as beaucoup manqué, tu m’as terriblement manqué, tu sais ?...
— Je suis contente d’avoir de tes nouvelles, mais tu es où là ?
— Chez un ami de longue date, à Toulouse, on s’est retrouvé et avec lui je retrouve la tendresse et l’affection...
— Tu as rencontré le bonheur alors ?
— Je ne sais pas encore... peut-être...

Elle connaissait cet ami depuis dix ans, il était gendarme. Il a connu Gilles aussi et il a retrouvé Léa par l’intermédiaire de sa belle-sœur au moment du jour de l’an. Quand Léa a fait sa tentative de suicide, sa belle-sœur a prévenu cet ami, il l’a ensuite appelé tous les jours. À sa sortie d’hôpital, il lui a proposé de venir lui rendre visite à Toulouse. Elle a accepté.
Au fur et à mesure de la conversation, je sentais que Léa avait bu, son ami n’arrêtait de faire l’imbécile derrière elle au téléphone, cela en devenait gênant pour entendre ce que me disait Léa. Au bout d’un moment elle a raccroché en me disant qu’elle me téléphonerait quand elle serait plus au calme.
Quelques minutes plus tard, mon portable sonna de nouveau :

— Allo ?
— Mary ? C’est Philippe, l’ami de Léa. Je te rappelle pour te faire toutes mes excuses pour tout à l’heure, j’ai fait le con au téléphone...
— Oui, mais ce n’est pas grave, vous avez bu ? Vous fêtez quelque chose ?
— Oui, on a un peu bu, on fête nos retrouvailles, Léa a décidé de se prendre une cuite !
— Tu connais Léa depuis longtemps ? demandai-je un peu sceptique.
— Depuis dix ans, j’ai connu Gilles aussi.. Léa est une femme formidable, elle a un caractère entier et.... elle t’aime beaucoup, tu sais ?
— Hum... On est le 20 février, c’est l’anniversaire de Gilles aujourd’hui, non ?
— Oui, tout à fait ! C’est pour cette occasion que Léa a décidé de prendre une cuite aussi...
— J’espère que tu prendras soin d’elle... elle en a besoin... elle a beaucoup souffert.... dis-je perplexe.
— Oui, je sais qu’elle a fait des bêtises, mais c’est une femme que j’adore et je peux te dire qu’elle t’aime énormément. Tu sais que tu as une voix charmante au téléphone ? Tu ferais craquer les mecs....
— Je n’ai pas vu Léa depuis longtemps, elle est comment ? Ses cheveux sont toujours aussi courts ? demandai-je pour couper court à la tentative de drague.
— Elle a les cheveux courts, mais elle va les laisser pousser pour moi, tu sais ce que ça veut dire ? me dit-il pour me taquiner.
— Oui, je sais...
— Alors tu connais bien Léa ! J’ai l'impression qu’on est complice tous les deux... non ? J’ai l’impression de te connaître alors que je ne t’ai jamais vu...
— Hum... c’est normal, tu connais Léa depuis aussi longtemps que moi, tu l’aimes autant que moi, c’est elle qui nous rapproche.... tout simplement !

Nous avons discuté encore un moment avant que Léa reprenne le téléphone. Cet homme avait l’air sympathique même si j’avais des doutes dus à alcool, je suis toujours sur mes gardes face à l’alcool. Il m’a rassurée, Léa aussi. Nous sommes restés une heure et demie au téléphone au total, Léa ne voulait pas raccrocher la première. J’ai fini par arrêter cette conversation et en éteignant mon téléphone, les larmes ont jailli toutes seules. Des larmes de bonheur de savoir Léa enfin en sécurité, mélangées aux larmes de douleur d’un passé trop lourd entre nous. Elle aussi, elle me manquait en ce moment, c’était la seule personne dans mon entourage, apte à comprendre ce que je vivais avec ma mère. Léa restait la « fille adoptive de cœur » de ma mère.

Aujourd’hui, j’ai reçu deux messages de Léa, où elle me répétait à jeun cette fois, que je lui avais énormément manqué et qu’elle m’... adorait. Je sentais qu’elle se raccrochait au passé. Elle me disait qu’elle allait regarder le film « Gazon maudit » dans la soirée, en pensant à moi. Quel film ! C’est le premier que nous avons regard ensemble, tout un symbole ! Je lui ai répondu qu’il fallait qu’elle profite du présent avec Philippe, qu’elle arrête de se détruire, et qu’elle prenne soin d’elle. C’était la seule chose qu’elle puisse faire pour moi, prendre soin d’elle.

Après qu’elle ait visionné le film, j’ai reçu de nouveau quatre messages dans lesquels elle me disait qu’elle était totalement avec moi pendant tout le film, que Philippe était seulement un très bon ami. Elle me rassura sur le fait qu’elle ne ferait plus de tentative de suicide, car la dernière qu’elle a faite l’a persuadé de rester sur Terre. Lors de son coma, elle était perdue, en arrêt respiratoire, elle a rencontré sa sœur et son père, tous deux décédés. Ils lui ont passé un savon, lui disant qu’il fallait qu’elle arrête ses bêtises, que son heure n’était pas venue. Elle a eu une discussion avec eux qu’elle n’oubliera jamais. Elle disait avoir retrouvé la force nécessaire pour être auprès de moi et m’accompagner près de ma mère. Je pouvais maintenant, compter sur elle à n’importe quel moment. Elle me rappelait au passage, qu’un jour elle m’avait dit que j’étais la femme de sa vie et que c’était toujours valable même si on ne savait pas de quoi l’avenir était fait...

Après cette lecture de messages, je me suis de nouveau effondrée en larmes. Je sentais la sincérité de Léa dans ses mots, j’aurais souhaité aussi que les choses se passent ainsi, qu’elle soit près de moi effectivement parce que j’avais besoin de soutien, mais en même temps, une part de moi savait qu’on était en train de se leurrer, de se raccrocher aux branches du passé. Je ne savais plus si je pleurais d’émotions, si j’étais heureuse ou malheureuse de retrouver Léa si proche de moi malgré la distance qui nous séparait. Elle a repoussé les limites de la mort au maximum pour retrouver sa sœur et son père. Ce qu’elle m’a raconté m’a bouleversée parce que je sais pertinemment qu’on peut retrouver ceux qu’on aime une fois passés de l’autre côté. La mort n’est pas une fin, juste une porte vers autre chose. Elle est allée chercher sa force de vivre de l’autre côté du miroir. Depuis quelque temps, les esprits des défunts sont présents dans ma vie d’une façon ou d’une autre.

Dans les discussions que j’ai avec mon amie Karine, ils sont très présents aussi. Nous avons passé trois heures au téléphone suite au retour de Léa dans mon présent. Karine rêvait beaucoup de Léa ces derniers temps, elle m’en parlait souvent, elle sentait qu’on aurait des nouvelles, moi aussi j’avais bien senti qu’elle me contacterait pour une raison ou une autre. J’avais la sensation de me retrouver dans la quatrième dimension. Karine est tellement ouverte à ces sujets hors normes qu’elle pense qu’un esprit habite chez elle...
Maryline

23 octobre 2017

Deuil prématuré

Âme, La Mort, De Rachat, Éternité


04 février 2004

Je sens le printemps approcher timidement, j’ai envie de faire du rangement, je suis en vacances, c’est le moment ! J’ai envie de créer aussi, de peindre à l’aquarelle, mais je ne sais pas dessiner. La peinture m’attire, mais je n’arrive pas à m’y mettre.
J’aimerais aussi reprendre très sérieusement mon premier manuscrit, le réécrire, le corriger, reformuler les phrases, choisir de meilleurs mots. J’ai déjà rangé mon bureau de telle sorte que je puisse travailler facilement, tous mes documents sont à portée de main, tout ce qui végétait depuis plusieurs années est jeté à la poubelle. Je ressens un réel besoin d’avancer dans ma vie.

J’ai comme la sensation d’avoir fait le deuil de ma mère, non pas en tant que mère, mais en tant que personne qu’elle était et qu’elle n’est plus. J’ai fait le deuil de sa personnalité et j’ai appris à accepter une autre personnalité, une autre facette.
Je sors de mon hibernation psychologique, je vais donc pouvoir avancer à grands pas. Les jours commencent à rallonger sensiblement, le soleil fait de timides apparitions, les températures augmentent un peu, je me sens revivre. Nous ne sommes qu’en février, mais le printemps est en bonne voie.

Je suis allée rendre visite à ma grand-mère aujourd’hui. J’ai déjeuné avec elle, nous sommes allées faire ses courses et j’en ai profité pour l’emmener au cimetière, sur la tombe de mon grand-père, car elle se demandait si les fleurs qu’elle avait déposées à Noël étaient restées sur la tombe. Je vais rarement au cimetière, quand j’y vais c’est que ce n’est pas bon signe. Les pots de fleurs étaient tombés et ma grand-mère fut catastrophée quand elle s’est aperçue qu’on lui avait volé un bouquet de fleurs séchées. Les gens n’ont plus de respect pour quoi que ce soit même dans les cimetières.
D’un seul coup, j’ai vu ma grand-mère faire le signe de croix et croiser ses mains devant elle. J’ai compris qu’elle allait prier même si je ne connais rien aux signes religieux, celui-là est évocateur. J’ai attendu en silence, le deuxième signe de croix m’a indiqué qu’elle avait fini et que nous pouvions repartir. Mais avant de prendre la sortie, elle voulait voir la tombe de ma tante, décédée deux ans plus tôt. Elle était près de celle de mon grand-père, une allée plus loin. Tous les pots de fleurs étaient renversés et fanés. Mon oncle devait mettre une pierre tombale, mais il n’y avait rien pour l’instant, c’était triste, mais en même temps, c’est un cimetière...

J’ai raccompagné ma grand-mère chez elle et je suis allée voir ma mère dans la foulée. Comme d’habitude, je l’ai trouvée dehors, dans le jardin, appuyée à la barrière. Elle tenait une feuille dans ses mains et elle pleurait. Je suis descendue de voiture, j’ai ouvert la barrière et je l’ai embrassée :

— Qu’est-ce qui t’arrive ? demandai-je.
— Oh si tu savais, il faut que j’en parle à Guillaume...
— Dis-moi, qu’est-ce qui se passe ?

Et comme d’habitude, il n’y avait aucune explication à ses pleurs sauf peut-être dans sa tête. Elle me montra les feuilles de papier, c’était le CV de mon jeune frère. Je ne sais pas ce qu’elle faisait avec ce CV... Je l’ai fait entrer dans la maison, j’ai fait chauffer un petit café et elle s’est calmée. J’ai remarqué que la chienne de mes parents avait les poils coupés sur ses pattes et devant ses yeux :

— Vous avez coupé les poils de la chienne ?
— Oui, c’est moi qui ai fait ça répondit ma mère.
— Ah ! C’est toi ? Elle est belle comme ça hein ? Tu lui as fait une coupe d’été... en plein hiver...
— Bah oui, elle avait trop de poils !
— Hum... je comprends bien...

Mes parents n’ont jamais touché aux poils de la chienne, d’où ma surprise. De temps en temps, ma mère se remettait à pleurer, puis elle s’arrêtait. Je remarquai ses mains qui tremblaient beaucoup, son bras aussi et jusqu’à son cou. J’ai profité d’un moment où elle était partie dans le jardin pour regarder les papiers qui traînaient dans la bibliothèque. J’ai trouvé une ordonnance avec quatre médicaments inscrits, dont deux que je ne connaissais pas. Je suis allée ouvrir le placard où se trouvaient ses médicaments, j’ai ouvert le sac et j’y ai trouvé l’un des deux. J’ai regardé la notice : antiépileptique. Je suis restée scotchée sur ce mot, c’était ce que j’appréhendais... les épilepsies. Tout de suite, je repensais à mon ami Gilles et à Léa bien évidemment. Ce regard vide que je voyais chez ma mère existait chez Gilles aussi. Tout le film se déroulait dans ma tête. Du jour où Gilles a commencé à faire ses crises d’épilepsie, les problèmes se sont enchaînés assez vite au niveau neurologique. Il a perdu l’usage de la parole, l’usage de ses jambes, il avait des crampes, il souffrait atrocement.

À chaque fois que je vois ma mère, je pense à Gilles. J’ai quitté l’association Aides pour ne plus vivre ces cauchemars, mais la vie me rattrape autrement. Il ne sert à rien de fuir. Gilles et les autres m’ont préparée à accepter la mort de ceux que j’aime. Je les remercie tous pour ce chemin difficile que nous avons parcouru ensemble, ils m’ont beaucoup appris, mais il n’en reste pas moins que c’est toujours une épreuve de perdre ceux qu’on aime même si je sais pertinemment que dans certains cas, la mort peut aussi être un soulagement. Vivre c’est notre but sur Terre, mais dans quelles conditions ? Quand j’étais jeune je voulais mourir, la vie a mis sur mon chemin, des gens condamnés qui eux, voulaient vivre... J’ai bien compris que je n’étais pas à plaindre... J’ai bien intégré le fait que même si la vie peut nous sembler difficile parfois, elle a le mérite d’être vécue, à nous de faire en sorte de ne pas la gâcher, c’est un cadeau, à nous d’en prendre soin.

Le destin m’aurait préparée à vivre cette épreuve avec ma mère sans que je m’en rende compte. Rien ne se passe au hasard, les rencontres sont toujours faites pour nous aider à avancer dans la vie.

J’ai eu du mal à quitter ma mère ce soir. Je n’arrête pas de penser à ce fichu médicament, nous avons encore franchi une étape vers la déchéance. La prescription était pour tous les repas, je me demandais si c’était une prévention ou si ma mère avait déjà fait des crises, je m’étonnais de ne pas avoir eu d’échos de la part de mes frères. Je lui ai donné un café alors qu’il faut éviter tous les excitants chez les épileptiques... si j’avais su ! Si Guillaume nous tenait au courant ! Il me met en colère encore une fois. Ma mère pleure souvent, et elle n’arrête pas de dire « ne peux plus.... », mais « ne peut plus » quoi ? Personne ne sait, on peut juste imaginer qu’elle ne peut plus faire grand-chose... Elle est dans son monde, souvent dans le passé et il est très difficile d’y entrer. Souvent, elle me demande des nouvelles de mon père comme si j’avais toujours gardé contact, il est décédé depuis deux ans.

En faisant le deuil de la personnalité de ma mère, c’est comme si je coupais une deuxième fois le cordon. C’est aussi une partie de moi qui s’en va, mon enfance, mon adolescence... peut-être qu’après je pourrai grandir et devenir enfin adulte. Plus je vieillis, plus je pense à la Bretagne, plus j’ai envie de changer de travail, plus le domaine culturel et en particulier, le domaine des livres m’attire irrésistiblement.
Quand je me projette dans l’avenir, je me projette seule. L’ambiance avec Sophie n’est pas du tout idéale, elle est agressive envers moi, elle me consacre peu de temps, les tensions sont trop palpables. J’ai débarrassé toutes les affaires que j’avais laissées chez elle. Je n’ai pas envie d’être son souffre-douleur, j’ai besoin de paix et de tranquillité.
Maryline

20 octobre 2017

Apprendre à prendre soin de soi

Fantaisie, Portrait, Conte De Fées, Face

16 janvier 2004

L’aide à domicile de ma mère s’est fait virer un matin par mon petit frère avec perte et fracas ! Il ne supportait plus la façon dont elle traitait ma mère. Mon frère est impulsif, mais sur ce coup là, il a eu raison, je n’aurais pas tenu non plus longtemps à voir ma mère en panique tous les jours. Elle a été remplacée par une autre femme beaucoup plus douce, patiente, compréhensive et adorable.

Mon oncle Patrice a profité de son retour quelques jours à Rouen pour rendre visite à ma mère qu’il n’avait pas vue depuis très longtemps. Quand il est arrivé de bonne heure le matin, ma mère dormait encore, mais l’aide à domicile était présente. Elle est allée réveiller ma mère, l’a habillée et elle l'a accompagné jusqu’à mon oncle. Quand ma mère a vu son frère, elle s’est effondrée en larmes. Il l’a prise dans ses bras et elle a pleuré pendant au moins un quart d’heure. L’aide à domicile est venue la calmer pour qu’elle puisse prendre son petit déjeuner en compagnie de son frère. La psychiatre nous avait informés que ma mère perdait la mémoire, mais que tout ce qui concernait l’affectif, elle n’oubliait pas. Elle avait bien reconnu son frère, sans aucun doute possible. Mon oncle a trouvé que ma mère avait beaucoup maigri et qu’elle ne parlait plus beaucoup. Il a trouvé que l’aide à domicile était vraiment agréable, posée, calme, à l’aise dans la maison et respectueuse envers ma mère, tout ce dont elle avait besoin. Il a été choqué par l’état de sa sœur, il ne s’imaginait pas à quel point elle était malade.

Janvier n’est pas une période idéale pour mon moral, les jours sont courts, le temps est gris, je manque de soleil, de nature, d’oiseaux, de lumière. J’ai besoin de respirer, d’aller courir, de faire du sport, de bouger, mais il pleut depuis plusieurs jours. Je n’arrive pas à faire surface après ce mois de décembre éprouvant, je ne me sens bien que chez moi, je n’arrive pas à retourner chez Sophie. Je fais beaucoup de cauchemars, je rêve d’hommes, plus exactement de sexes d’hommes... c’est étrange et très perturbant. Les réveils sont difficiles, je me sens comme traquée.

Aujourd’hui je me sens comme les écrivains torturés intérieurement, comme ceux qui ont décrit leur personnalité dans les livres que j’ai lus récemment. Je me sens incomprise, je ressens cette double personnalité expliquée dans ces livres de vie d’écrivain, celle qui vit en société et celle qui a besoin de se replier sur elle-même pour se retrouver, qui a besoin de solitude pour écrire, pour trouver l’inspiration, pour se libérer de tous les tracas de la vie, celle qui a du mal à affronter la réalité. Je pensais que je n’étais pas comme tout le monde alors je suis rassurée de savoir que les écrivains vivent de cette façon. C’est une sensation partagée par les gens qui ont besoin d’évacuer leurs angoisses par écrit. Je ne suis pas comme tout le monde, je suis comme ces écrivains, comme des milliers de gens qui écrivent chez eux, en cachette et qui ne se feront peut-être jamais publier, car ils pensent que la publication est réservée à une certaine catégorie de personnes qui manient la langue française avec beaucoup d’aisance et de classe qu’eux.

Je pense que personne ne peut comprendre ce que je ressens vraiment quand je suis dans un état d’esprit comme en ce moment, où je ne peux absolument pas quitter mes repères. Je me protège quand je me sens vulnérable, ce n’est pas dramatique, tout le monde est fatigué l’hiver. En attendant le printemps, j’essaye de prendre soin de moi en surveillant mon alimentation, en essayant de dormir selon mes besoins, en évitant de m’éparpiller dans le travail et en ne faisant que des choses qui me plaisent dans la mesure du possible. Je sais que je retrouverai le maximum de ma forme au printemps, c’est ma saison préférée, elle réveille mon cœur avec le chant des oiseaux, les fleurs qui s’ouvrent, les feuilles qui renaissent sur les arbres, les couleurs remplissent mes yeux et éveillent mon âme. C’est aussi une renaissance pour moi puisque je suis née en mai. Je commence généralement à gigoter en mars !

Je sais ce dont j’ai besoin pour prendre soin de moi, quand on vit seule, c’est facile à mettre en pratique puisque que l’on peut s’organiser comme bon nous semble, à l’heure qui nous convient, cuisiner ce que notre corps réclame par exemple. Mais lorsqu’on vit en couple ou en famille, d’autres paramètres entrent en ligne de compte, bien souvent, on fait passer les besoins des autres avant les nôtres. C’est mon fonctionnement, je m’oublie. Alors si vous êtes seul(e), dîtes-vous bien que cette solitude est sacrée et qu’elle est là pour vous permettre de prendre uniquement soin de vous. Profitez de ce cadeau de la vie qui vous est offert pour vous préparer à aller vers l’autre plus tard, dans de meilleures conditions psychologiques, physiques et émotionnelles. Si vous avez le sentiment de subir votre solitude, il est peut-être temps de travailler sur la blessure d’abandon, d’écouter l'enfant qui est en vous et d’essayer de comprendre pourquoi il n’aime pas être seul. Quelles sont les angoisses que la solitude procure chez vous ? Reconnectez-vous à cet enfant intérieur pour pouvoir changer votre vision sur la solitude. Elle n’est pas une punition de la vie, elle est là pour vous accompagner sur votre propre chemin, pour que vous vous reconnectiez à vous même et non plus à l’extérieur. Vous trouverez en vous des pépites qui vous aideront à avancer vers les autres de manière autonome et indépendante, vous deviendrez libre, si vous le souhaitez...

Je souffre moi-même de dépendance affective, mais j’ai cette conscience que la solitude me permet de me retrouver pour ne plus avoir besoin des autres pour exister. C’est une étrange sensation en moi, car j’ai besoin des deux en ce moment, je navigue d’une situation à l’autre sans arrêt. La solitude ne m’effraie pas, mais si je m’attache aux gens, je suis sous une sorte d’emprise qui m’empêche d’être libre. Je suis capable d’apprécier la solitude, je la recherche même souvent, car je me sens vite envahie par les autres, par leurs problèmes, par leurs émotions, cela m’affecte et me fatigue énormément. J’ai une extrême empathie, complètement indépendante de ma volonté, j’absorbe sans me rendre compte et je suis obligée à un moment de rester seule quelque temps pour retrouver mon énergie. La solitude dans ce cas, devient une nécessite et je l’aime parce qu’elle me fait du bien. Je n’ai jamais eu la sensation de subir la solitude, mais j’ai eu souvent l’impression de subir mon entourage.
J’apprends à mettre des limites, mais j’ai une capacité d’endurance phénoménale, elles sont souvent dépassées. Prendre soin de soi ne va pas de soi... cela s’apprend au quotidien.
Maryline

 

18 octobre 2017

La différence entre l'amour et le sexe

 Macro, Le Sexe, Gros Plan, Pré, Deux

1er janvier 2004

Bonne Année à tous ! Nous y sommes, une nouvelle année commence. Comme tous les ans, le mois de décembre a été difficile à vivre émotionnellement, Sophie a fini par me quitter. Je suis descendue aux enfers pendant quelques jours avec l’impossibilité d’écrire. Elle m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas m’apporter ce que je voulais et qu’elle ne m’aimait plus comme avant. Tous mes rêves se sont subitement écroulés du jour au lendemain. Je n’arrivais pas à croire au fait qu’elle ne m’aimait plus, je pensais plutôt qu’elle n’arrivait pas à assumer son homosexualité face à ses parents et en particulier son père qui lui fait des remarques désagréables à ce sujet. Je me suis réfugiée dans ma carapace. J’ai passé mon temps au travail, je dormais très peu et très mal, j’essayais de m’occuper un maximum pour éviter de trop penser.

Il était prévu que je passe Noël chez ma sœur, mais elle avait invité mon amie du Morbihan, Anne, et Sophie était présente aussi. Jusqu’au dernier moment, j’étais incapable de savoir si j’allais pouvoir les rejoindre pour la soirée. Je ne voulais pas décevoir mon amie Anne, je suis donc allée à cette soirée. N’ayant pas le courage d’affronter Sophie, après m’être enfilé une coupe de Champagne au restaurant, je suis rentrée chez moi et j’ai avalé un whisky-coca en prenant ma douche ! Je n’avais pas d’autre solution pour me détendre, j’en avais mal au ventre à l’idée de voir Sophie. Il fallait que je décompresse d’une façon ou d’une autre.

Je n’ai pas vu grand-chose de la soirée et je n’ai rien compris non plus quand j’ai remarqué le regard de Sophie qui me dévorait littéralement. Je ne savais plus quoi penser mis à part que je restais sur ma certitude qu’elle m’aimait toujours, mais qu’elle n’assumait pas. J’étais étourdie et j’avais hâte que la soirée se termine.... que les fêtes soient passées, que le mois de décembre soit derrière nous. J’étouffais complètement entre ma sœur qui ne me lâchait plus, Anne qui souhaitait que tout le monde soit réuni et reprenait contact avec des gens qui ne m’intéressaient pas, mon travail qui était d’autant plus prenant, car nous étions en période de vacances scolaires, j’étais épuisée moralement et physiquement. Je ne souhaitais qu’une seule chose, être seule et qu’on me fiche la paix. J’étais en train de me perdre parce qu’on m’étouffait.

Après Noël, Sophie a souhaité me revoir pour me parler. Je suis passée chez elle sans vraiment m’attendre à quelque chose d’extraordinaire, je disais que nous allions sûrement encore brasser de l’air sur une discussion inutile et stérile. Elle m’a invitée à m’asseoir au salon et m’a servi un café. Heureusement que j’étais assise...

— Je voulais te voir pour te parler de quelque chose qui me travaille beaucoup, me dit-elle.
— Ah bon ? répondis-je étonnée.
— Oui.... j’ai rencontré un ancien copain d’école il y a quelques jours...
— Et alors ?
— Nous avons fait l’amour... il y a deux jours...
— En quoi ça me regarde ? Pourquoi tu me dis ça ? répondis-je sentant la colère et la déception monter en moi.
— Parce que je suis perdue... Je ne peux pas me passer de toi ni de lui...
— Pardon ? Tu le vois depuis quelques jours et tu ne peux pas te passer de lui ? Tu rigoles ou quoi ? Tu cherches quoi au juste ? dis-je énervée par ce que je voyais venir gros comme une maison.
— J’aimerais qu’on reste ensemble et continuer à le voir aussi...
— Et tu crois que je vais accepter ça ? dis-je interloquée.
— Oui... je sais que tu m’aimes et puis... ce genre de situation tu as déjà connu, je sais que tu as l’esprit et le cœur assez ouvert pour vivre des choses qui sortent de l’ordinaire...
— Quand il s’agit d’amour, oui je peux vivre des situations qui sortent des schémas de la société, mais là Sophie, ce n’est pas comparable avec ce que j’ai déjà vécu et en ce qui me concerne, il ne s’agit pas d’amour, mais de sexe ! Tu te découvres bisexuelle, je comprends que tu sois perturbée et que tu cherches à savoir où tu en es, mais s’il te plaît, ne mélange pas tout... Je ne connais pas cet homme et je n’ai pas envie de le connaître. Dans la relation dont tu fais allusion, je connaissais le couple et il y avait une complicité entre nous trois. Léa n’avait plus de relation intime avec son mari depuis longtemps et ils étaient liés par le SIDA ! Nous avons accompagné son mari toutes les deux jusqu’au bout, rien à voir avec ce dont tu me parles là ! Je ne suis pas adepte des relations triangulaires et pourtant, d’une façon ou d’une autre ça me colle à la peau depuis toujours, c’est incroyable ça ! Je ne comprends pas...

Sophie a posé sa tasse sur la table du salon et s’est rapprochée de moi pour me prendre la main.

— Mary, il n’est pas question uniquement de sexe, je t’aime et je l’aime aussi, je ne peux pas choisir... je ne supporte pas de ne pas te voir et je ne peux pas le laisser tomber...

Prise au piège par mes propres sentiments, je n’ai pas pu repousser ses avances. Mon corps et mon cœur réagissaient au quart de tour dès que ses mains se posaient sur moi, j’étais incapable de résister. Je sentais que l’histoire avec cet homme n’allait pas durer, quelque part je m’attendais à cette situation un jour, je suis passée par là aussi, à vouloir essayer d’être "normale" sous la pression du modèle social.
Au bout de quelques jours, je sentais que cet homme bien que vivant à plusieurs centaines de kilomètres de nous, était bien trop présent entre nous. Je ne supportais pas cette situation, car je ne l’avais pas choisie.

Finalement, Sophie a fini par rompre avec lui, elle se leurrait sur l’amour qu’elle lui portait, elle recherchait un simple géniteur... Elle ne voulait pas d’enfant tout de suite, mais elle pensait déjà à l’avenir, parce qu’elle était sûre d’une chose, c’est qu’elle voulait des enfants. Le frein dans notre relation pouvait effectivement se trouver dans ce désir que moi-même, je n’ai jamais ressenti. Quand elle était avec cet homme, elle avait le sentiment de me tromper bien que je sois au courant de cette relation. Elle était mal à l’aise sur tous les tableaux, mal dans sa peau parce qu’elle avait du mal à accepter son homosexualité.

Nous avons décidé d’essayer de sauver notre couple en prenant le temps de vivre notre amour, caché de sa famille dans l’immédiat, pour lui éviter du stress supplémentaire. J’étais partante pour essayer, patienter, elle réagissait exactement comme je m’y attendais, comme quelqu'un qui apprend à vivre quand on est homo. La société est vraiment pesante sur les relations... elle nous oblige à trouver la force en soi, le courage de s’accepter tel qu’on est, ce n’est pas si facile à vivre au quotidien. L’homophobie est toujours omniprésente dans l’esprit des gens quoiqu’on en dise, elle est dans l’inconscient collectif.
Maryline