
18 novembre 2003
J’ai donc rendu visite à ma mère hier, Sophie m’a accompagnée. Quand nous sommes arrivées, ma mère était encore dehors, dans le jardin, à la barrière que mon beau-père ferme à clé pour ne pas qu’elle se sauve. Il ne fait pas spécialement un temps à rester dehors. Mon frère était présent ainsi que ses grands-parents paternels. C’est hier que je me suis aperçue que ma mère était vraiment incontinente, elle portait des protections qu’elle savait enlever, mais pas remettre. Elle avait mis un chausson et une chaussure à ses pieds. Nous lui avons dit de mettre ses chaussures, elle les a mises, mais à l’envers et impossible de lui faire mettre à l’endroit. Elle avait des mimiques de petite fille quand elle riait, l’expression de son visage a changé, cette femme n’est plus celle qu’elle était, je ne retrouve plus ma mère... Je réapprends à faire sa connaissance.
En ce moment, ma mère est obsédée par les bébés, elle disait qu’elle était grand-mère et maintenant elle a quatre bébés imaginaires dans la maison, mais on ne sait pas d’où ils viennent. J’aurais tellement voulu qu’elle ait eu le temps d’être grand-mère... Elle aurait été heureuse, elle adore les enfants.. Elle a parlé de sa fausse couche avec Sophie, une fausse couche qui date au moins de trente trois ans puisque c’était juste avant ma naissance. Elle est restée marquée, je ne l’avais jamais entendue en parler auparavant. Elle en parlait comme si cet événement était récent et elle avait l’air triste. Elle me semblait moins angoissée que d’habitude.
À un moment, ma mère est sortie des toilettes avec sa protection à la main, ne sachant pas où la mettre, elle l’avait enveloppée avec l’emballage plastique des rouleaux de papier toilette. Mon frère l’a vu embarrassée, il est allé prendre le sachet pour le mettre à la poubelle. J’avais peur qu’elle panique comme la dernière fois chez ma tante. Elle a laissé mon frère s’en occuper puis elle est repartie dehors. Mais il fallait lui remettre une autre protection... mon frère est allé en chercher une et Sophie s’est proposé de lui mettre. En tant qu’aide-soignante, elle avait l’habitude de ces manipulations délicates. Pour les enfants, ces situations sont vraiment difficiles à vivre. Ce n’est pas simple d’entrer dans l’intimité de ses parents. On le fait parce qu’il faut le faire, mais psychologiquement, c’est très lourd à assumer.
Ma mère a suivi Sophie dans la salle de bain, sans protester, tout s’est bien passé. Et pourtant, pendant ce temps-là, j’avais le ventre serré, je n’osais plus respirer, j’avais peur que la scène tournent au vinaigre. J’ai beaucoup de mal à m’adapter à cette nouvelle vie.
Je trouve que l’évolution de la maladie est rapide depuis cet été, je n’ai pas le temps de digérer chaque étape qui arrive quasiment du jour au lendemain. J’ai l’impression qu’elle parle beaucoup ces derniers temps par rapport à il y a quelques mois. Elle emploie toujours les mêmes mots, car son vocabulaire s’est appauvri, mais elle les répète sans arrêt, elle s’immisce dans les conversations même si elle ne sait pas de quoi on parle alors qu’avant, elle restait à l’écart. Maintenant, elle intervient même si ce qu’elle exprime est incohérent, elle a l’impression de participer à la conversation. De temps en temps, elle nous disait de parler moins fort pour que les voisins n’entendent pas alors qu’elle habite en maison individuelle, ou alors elle avait peur qu’on réveille les bébés imaginaires. Cela nous permettait de rire un peu et de faire passer toutes ces anecdotes sous l’humour. Heureusement, nous arrivons à tourner beaucoup de choses en dérision. Ma mère n’est pas la dernière non plus pour rire de ce qu’elle raconte.
Parfois, je me demande qu’est-ce qui a bien pu se passer dans sa tête. Comment une maladie peut transformer ainsi quelqu’un en si peu de temps ? Comment un être humain peut-il perdre sa personnalité en quelques mois ? Ça fait réfléchir... ça fait peur... on peut perdre le contrôle de soi du jour au lendemain à n’importe quel moment de sa vie, nous ne sommes vraiment pas grand-chose sur terre.
Alors, arrêtez de vivre dans l’avenir ! Arrêtez de croire que vous allez enfin pouvoir vivre quand vous serez en retraite ! C’est maintenant qu’il faut vivre, vous ne savez pas si vous serez encore là demain ! Vivez le présent ! Arrêtez de préparer Noël le 1 er novembre vous avez autre chose à faire d’ici Noël ! Peut-être même que vous ne verrez jamais Noël cette année ! Vous passez à côté de votre vie en vous projetant sans arrêt dans l’avenir.... le week-end prochain, le mois prochain, pendant les vacances, à la retraite... et aujourd’hui ? vous faîtes QUOI AUJOURD’HUI ? Profitez du présent, profitez de la vie, profitez de votre famille, de vos amis, vivez et sortez de la survie.
Je ne supporte plus d’entendre les gens dire " à la retraite je ferai ci ou ça" ou encore "vivement la retraite", mais vous attendez la retraite toute votre vie ? Et si vous n’aviez JAMAIS de retraite ? Vous vivez quand ? Qu’est ce que vous êtes venus faire sur cette terre ? Attendre la retraite ? Mais vous ne trouvez pas cela un peu pathétique ?
Ma mère est l’exemple même de la femme qui attendait sa retraite avec impatience parce qu’elle a travaillé trente-trois ans de sa vie au service des autres, des gens malades mentalement. Elle avait préparé sa retraite en se formant à la réfection des anciens fauteuils, elle souhaitait ne faire que ça ensuite. Elle a à peine eu le temps de finir son premier fauteuil.... alors s’il vous plaît, ne faites pas de projet pour la retraite, c’est aujourd’hui qu’il faut créer, pas demain, mais maintenant !
Pour les plus jeunes, il ne faut pas rêver, vous n’aurez pas de retraite et ce n’est pas plus mal, les études montrent que le fait de rester actif nous aide à conserver nos facultés. Faîtes une activité que vous aimez, une activité qui correspond à votre passion et vous n’aurez pas l’impression de travailler, mais de vivre, tout simplement, vous vous sentirez vivant, vous n’aurez plus besoin de vous remplir avec des pseudo projets que vous ne mettrez jamais en place. Si vous avez une idée, un rêve, une passion, faites-en votre métier ! Osez ! Foncez ! La vie ne vous attendra pas.
Plus je vieillis et plus je vis au présent, car j’ai tiré les leçons des différents deuils successifs que j’ai vécus. Je sais que si on ne vit pas aujourd’hui, nous passons à côté de l’essentiel : de nous-mêmes. Demain est un autre jour et chaque jour est une renaissance. Vivez-le comme si c’était à la fois le premier jour de votre vie pour apprendre de qui se passe autour de vous, et comme si c’était le dernier jour de votre vie pour profiter pleinement de tout ce qui se présente à vous dans la journée. C’est une philosophie zen que j’essaye de me souvenir le plus souvent possible, surtout en période de stress intense.
Dès que je regarde vers l’avenir, le stress monte alors pourquoi ne pas rester là où je suis pour éviter cela ? Quand je regarde en arrière et que je me souviens de la femme qu’était ma mère, je deviens nostalgique et triste parce qu’elle n’est plus cette femme, et elle ne le sera plus jamais. Je garde les bons souvenirs, ceux qui me réchauffent le cœur et je reviens au présent pour continuer à aider du mieux que je le peux cette femme qui est à mes côtés, et qui a besoin de mon soutien. Elle m’apprend à vivre au présent, elle ne pouvait pas mieux s’y prendre... elle reste ma mère quoiqu’il arrive et à travers sa maladie elle m’enseigne à quel point la santé et la vie sont précieuses. Ne gâchez rien de tout ça ! Prenez soin de votre santé, faîtes attention à ce que vous manger et à tout ce que vous introduisez dans votre corps de quelque manière que ce soit... La fatalité n’existe pas, la santé passe par ce que vous introduisez dans votre corps, soit vous le soignez, soit vous le détruisez, le choix reste entre vos mains.
Maryline
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