11 octobre 2017

Vivez vos émotions jusqu'au bout

Bouddha, Le Bouddhisme, Méditation, Asie


14 novembre 2003

Hier, j’ai déposé une lettre dans la boîte aux lettres de Sophie en partant travailler pour lui exprimer ce que je ressens de notre relation. Au retour de ma journée de travail, j’avais moi aussi reçu une lettre en réponse. Sophie pense que j’interprète tous ses faits et gestes. Je ne suis pas sûre d’interpréter et je n’ai pas envie d’entrer dans un débat stérile. Son comportement a changé, elle ne s’en rend sans doute pas compte. Je n’ai presque pas dormi, ma tête va exploser. Je sais bien que ma sensibilité est à fleurs de peau, les larmes montent pour pas grand-chose, j’ai l’impression d’avoir perdu ma force.

Je ne suis pas allée rendre visite à ma mère cette semaine, j’appréhende d’y aller. Elle s’éloigne de plus en plus, elle va nous abandonner. Autant j’apprécie les moments que l’on passe ensemble, quand elle rit, quand elle a de l’humour, autant je déteste le moment de repartir, car je sais qu’elle va se mettre à pleurer comme une enfant qu’on laisserait toute seule.
Je suis effondrée devant mon ordinateur et j’écris ma douleur. J’essaye désespérément de mettre noir sur blanc tout ce que j’ai sur le cœur. Je suis torturée intérieurement, j’ai mal partout, je dors mal, tout m’insupporte, je n’ai pas envie de voir grand monde.

Nous avons franchi une nouvelle étape, mon beau-père recherche activement quelqu’un pour s’occuper de ma mère, car elle ne peut plus rester seule, elle ne peut plus s’habiller seule se laver, ni même manger normalement. Je ne suis pas très rassurée par les dernières nouvelles, car mon frère m’a raconté que la personne qu’ils venaient de trouver n’avait aucune patience, qu’elle buvait et frappait sur sa fille. Décidément... même malade ma mère attire encore ces personnages. Si j’apprends qu’elle a touché à un seul cheveu de ma mère, je lui défonce la tête !

Il est temps que je me prépare pour aller au travail, je vais arriver avec les yeux explosés, on va encore me poser plein de questions... on va me demander si je vais bien et je vais répondre "oui, ça va", pour éviter les questions suivantes auxquelles je n’ai pas envie de répondre.


16 novembre 2003

J’ai passé la journée avec Sophie qui est arrivée chez moi hier soir. Nous sommes allées au cinéma et nous avons beaucoup discuté. Ce soir, je n’avais pas envie de la quitter et en même temps, j’avais tellement besoin de rester dans ses bras que j’ai préféré qu’on reste chacune chez soi. C’est paradoxal, mais si je me sers d’elle comme bouée de sauvetage, je vais finir par la lasser. Comme je n’arrive pas à me détacher de mes émotions, la séparation physique est nécessaire pour permettre à l’oxygène de circuler entre nous afin de ne pas l'étouffer.

Quand elle est partie, j’ai craqué cinq minutes après. Je me sens déchirée, j’ai mal au ventre depuis ce matin, mes intestins se nouent dans tous les sens, mon estomac n’existe même plus et mes larmes coulent à flots m’empêchant de voir ce que je suis en train d’écrire.
J’ai la trouille, je ne contrôle plus rien, je me sens perdue, je n’arrive à rien, je n’arrive pas à savoir ce que je veux, je n’arrive pas à construire. J’avais hâte d’être en vacances pour pouvoir décompresser un peu.


17 novembre 2003

Mon cœur bat la chamade, car je dois aller voir ma mère et si j’avais pu m’abstenir, je l’aurais fait, mais je n’y suis pas allée depuis deux semaines. Je me suis réveillée en pensant à elle. Les fêtes de fin d’année approchent, enfin de mon point de vue, elles sont encore loin, mais les magasins ont déjà installé leur décoration, les gens commencent à ne parler que de Noël, c’est affolant, nous ne sommes qu’à la mi-novembre ! Les gens ne prennent plus le temps de vivre, ils sont toujours dans l’émancipation des événements et ne sont plus dans le présent. Je suis le mouvement, mais dans ma tête, rien n’est concret pour les fêtes. Noël n’a plus beaucoup de sens pour moi, c’est une fête qui appartenait à ma mère et dont je n’ai jamais vraiment intégré le sens. Ma mère n’a plus aucune notion du temps, les fêtes, elle s’en tape complètement.
Certains moments de l’année sont plus difficiles à vivre que d’autres, nous sommes en plein dans une période plus que délicate. C’est sans doute la raison pour laquelle je ne suis pas bien du tout en ce moment, et ce n’est que le début...

J’ai réalisé que ma mère laissait déjà un sacré vide en moi, comme si elle n’était déjà plus de ce monde. Depuis que je ne peux plus lui téléphoner, la distance s’est accentuée. La dernière fois que je l’ai appelée, elle ne m’a pas reconnue au téléphone, j’avais beau lui dire mon prénom et insister sur le fait que j’étais sa fille, elle a reposé le combiné sans raccrocher et je l’ai entendu dire "je ne sais pas qui c’est". Elle était seule, le téléphone est ainsi resté débranché toute la journée. Quant à moi, je n’avais plus que mes yeux pour pleurer, je savais qu’on ne pourrait définitivement plus se parler au téléphone. Parfois, je me surprends à avoir envie de l’appeler, ne serait-ce que pour entendre le son de sa voix, pour savoir si tout va bien, si elle n’ a pas besoin de quelque chose... Je suis très inquiète, car je sais qu’elle ne peut plus rien faire seule.

Quand nous nous voyons, les conversations sont très restreintes aussi. J’aurais aimé pouvoir lui parler, échanger, avoir une relation de complicité normale entre une mère et sa fille. Elle avait des choses à m’apprendre sur la vie, sur ce coup-là, l’apprentissage est douloureux. Le silence est définitivement installé, les secrets seront bien gardés. J’avais encore tellement de choses à lui dire, tellement de questions sur mon histoire, la frustration est décuplée. Comment accepter de ne jamais recevoir de réponse ?

Les cinq premières années de ma vie resteront murées dans le silence, dans l’ombre de celle que je suis en réalité. Un jour, je n’entendrai même plus le son de sa voix. C’est triste ce que je suis en train d’écrire, mais c’est juste la réalité de ce que je vis au quotidien. Depuis trois jours j’ai écrit en pleurant, les larmes ne coulent plus, j’ai vidé mon sac. C’est déstressant de pleurer, la plupart des gens se retiennent, ils se font plus de mal que de bien. Je suis obligée de me retenir trop longtemps déjà quand je suis au travail ou en compagnie de Sophie. Le trop-plein se déverse chez moi, il m’est impossible de me retenir plus et c’est bien ainsi. Les larmes soulagent mon corps de ses contractions musculaires. Je vais essayer de reprendre le footing aussi pour me défouler un peu plus physiquement. Je n’ai pas envie de finir avec un traitement antidépresseur, comme mon beau-père et mon frère... Ils n’ont pas trouvé d’autres solutions. J’ai utilisé ce moyen parce que je n’ai pas eu le choix, j’ai dépassé mes limites, mais j’ai pris ce traitement pendant trois semaines seulement, le temps que mon cerveau retrouve mon esprit. Je refusais de tomber dans le schéma de l’addiction, la dépendance... même si ma dépendance se manifeste ailleurs, dans ma vie affective.

Quant au fait d’aller voir un psychologue, je n’y pense même pas. Parler sur rendez-vous et dans un temps chronométré, ce n’est pas vraiment adapté pour les gens qui ont du mal à parler. Ma thérapie reste l’écriture. J’ai échappé au suicide grâce à l’écriture, j’arriverai à assumer le deuil de ma mère de la même façon. L’écriture soulage mon mental, le sport soulage mon corps. Dans notre monde moderne, on ne sait plus vivre sans médicaments. Comment vivent ceux qui sont dans les pays où il n’y a même pas de quoi manger ? Les médicaments n’existent évidemment pas non plus ! Comment font-ils pour survivre à leur misère ? Ils sont malheureusement bien obligés de s’adapter à leur situation. Tout est une question d’adaptation au final, et d’acceptation. Sans acceptation, on ne peut pas s’adapter à ce que la vie nous envoie.

J’ai pris le parti d’accepter ma souffrance et de la laisser vivre. S’adapter ne veut pas dire nier ses émotions, mais bien au contraire, il s’agit d’y faire face sans les endormir avec les cachets. Les écouter, les ressentir dans nos tripes et les relâcher par les larmes par exemple, par le souffle aussi, mais surtout, ne pas les garder à l’intérieur de soi. Lorsqu’on s’empêche de pleurer par exemple, on garde toutes les émotions dans notre corps, c’est ce qui crée les maladies, les malaises, le mal-être. Pleurer n’est pas signe de faiblesse, c’est juste l’évacuation de ce qui doit sortir de vous. La joie est aussi une émotion, celle-là vous l’exprimez sans problème, vous riez, vous chantez, vous souriez, vous dansez, vous sautez.... de joie ! Vous ne la gardez pas en vous ! Alors, de la même façon, les émotions qui nous plaisent moins doivent s’exprimer.
Je ne parle pas d’émotions négatives, car de mon point de vue, le négatif et le positif n’existent pas, les deux ne font qu’un et sont nécessaires autant les unes que les autres. Les émotions existent sous différents états et nous constituent à part entière.

Je suis de plus en plus attirée par toutes ces méthodes issues du bouddhisme pour apprendre à gérer la souffrance. Le bouddhisme nous donne de très bons enseignements à ce sujet. Je me sens complètement en accord avec cette philosophie de vie. C’est un art de vivre qui me convient parfaitement. 
Maryline 

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