
24 mars 2003
Depuis quatre jours, les Américains ont déclaré la guerre à l’Irak. Les journaux télévisés ne parlent plus que de ça, nous n’avons même plus les actualités de la France. Des manifestations ont lieu tous les jours pour revendiquer la paix. Lors de l’une de ces manifestations, à Paris, l’un des restaurants de notre chaîne a été cassé sous prétexte que nous sommes une enseigne américaine. Revendiquer la paix par la violence, un non-sens à mon sens. Où est la crédibilité de ces manifestants ?
Aujourd’hui à Rouen, une manifestation était prévue à 18 h, en centre-ville. Nous avons reçu un fax de Paris nous donnant les consignes de sécurité à respecter. Bien évidemment, le restaurant était désert, les manifestants nous ont boycottés. Les cortèges passent toujours à quelques mètres de notre restaurant, deux CRS étaient postés devant la porte. Ils nous ont expliqué que si la manifestation tournait mal, il faudrait fermer le restaurant. Ils avaient fait venir en renfort trois fourgons et une voiture pour bloquer la rue piétonne. Ils ont fait évacuer les alentours, personne ne devait stationner devant le restaurant. Une des deux portes avait déjà été fermée. Le défilé est arrivé criant des slogans antiaméricains. Les CRS se sont fait siffler parce qu’ils assuraient la protection du restaurant, mais surtout des gens qui étaient l’intérieur et qui n’avaient rien à voir avec cette guerre. Notre franchisé n’est pas américain, mais français. Nous n’avons pas un seul américain dans l’équipe et quand bien même... ces divisions ne servent pas la paix. Notre franchisé craint tout de même pour ses restaurants, il a fait renforcer la surveillance jusqu’à trois heures du matin tout le week-end.
Depuis la guerre, le chiffre d’affaires est en baisse tous les jours de 10 à 20%. Notre enseigne à l’habitude d’être stigmatisée pour diverses raisons plus ou moins valables, mais cette fois, toute la profession est en alerte maximale. Des manifestations sont prévues tous les jours, ce n’est pas très rassurant de travailler dans ces conditions-là. Si la guerre s’éternise, cela va mal finir.
30 mars 2003
Mon amie Karine est arrivée vendredi soir pour le week-end. Je devais faire le ménage et les courses dans l’après-midi. Angéla a eu l’idée de passer chez moi à l’improviste, j’ai horreur des visites surprises. Je savais qu’elle était en repos et je pensais qu’elle m’enverrait un message le matin pour que l’on puisse se voir. N’ayant eu aucune nouvelle, j’ai commencé à faire ce que j’avais à faire, je me suis lancée dans le ménage, puis j’ai pris un bain pour me détendre. À 15 h l’interphone sonna avec insistance. J’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu une petite voiture de sport grise garée en bas. Je n’avais pas encore vu la nouvelle voiture d’Angéla, mais j’ai deviné que c’était elle qui s’excitait sur la sonnette. Je n’avais pas envie d’être à sa disposition, j’étais fatiguée par les caprices qu’elle pouvait me faire subir. Je n’arrivais pas à passer au-dessus de ma déception de la dernière fois, son manque de confiance m’a vraiment blessée, son don de retourner les situations à son avantage m’exaspérait. Je n’étais pas d’humeur à la recevoir. Je n’ai pas répondu à l’interphone, elle est remontée dans sa voiture, mais elle ne démarrait pas. Elle est restée vingt bonnes minutes à essayer de me joindre sur mon portable, sur mon téléphone fixe, je ne répondais toujours pas. J’ai attendu qu’elle soit partie pour écouter les messages. Elle me demandait juste de lui faire signe quand je rentrerai chez moi. J’ai éteins mon téléphone et je suis allée faire quelques courses en bas de chez moi. J’ai fini par rallumer mon portable et je lui ai envoyé un message pour savoir ce qu’elle voulait. Elle n’a pas répondu, mais quinze minutes après, l’interphone retentit de nouveau. Je lui ai ouvert et je l’ai attendu sur le palier.
— Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu venais ? demandai-je agacée.
— Parce que... je peux venir quand je veux non ? répondit-elle avec le sourire.
Elle est entrée dans l’appartement, je l’ai suivie sans répondre. Elle avait mis un pantacourt noir, une chemise blanche légèrement transparente boutonnée avec seulement trois boutons et ... pas de soutien-gorge ! Elle avait mis plein de bijoux, elle était rayonnante et moi, j’étais scotchée par sa tenue un peu trop décontractée à mon goût...
Elle s’est assise sur le canapé, je me suis assise face à elle et je l’ai écoutée me raconter ce qu’il se passait au travail et d’un seul coup elle s’arrêta :
— Mary, j’aimerais t’emmener faire un tour dans ma nouvelle voiture !
— Là maintenant ?
— Oui là tout de suite ! répondit-elle enthousiaste.
— OK, mais j’ai mon amie Karine qui arrive ce soir pour le week-end alors pas de folie....
— T’inquiète pas, tu seras rentrée à l’heure, aller c’est parti !
Nous avons pris la direction de l’autoroute, elle voulait aller dans le village où habitait son ami David dont elle n’avait toujours pas de nouvelle. Elle voulait récupérer son portable qu’elle lui avait prêté, un prétexte comme un autre pour le voir. Arrivées sur l’autoroute, elle me regarda et me dit :
— Depuis que tu es montée dans la voiture, je ne t’entends plus ma Petite Mary... Qu’est-ce qui se passe ma chérie ?
— Que veux-tu que je te raconte, je n’ai rien à dire...
— Je ne sais pas... qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ?
— Le ménage et les courses, c’est passionnant !
— Karine arrive ce soir ?
— Oui, elle vient jusqu’à dimanche.
J’étais très mal l’aise, elle me rendait nerveuse par sa façon d’être, sa tenue légère me perturbait, son sourire jusqu’aux oreilles m’interpellait et elle le sentait:
— Tu te sens comment ? me demanda-t-elle.
— Comment ça ?
— Tu te sens comment dans ma voiture ? précisa-t-elle en souriant.
— Ah ! Bien... elle est très sympa ta voiture !
Angéla a dû oublier en route l’objectif de sa destination, nous n’avons pas vu David. Arrivée dans le village en question, elle a repris la route en sens inverse. Je pensais que le petit tour était terminé et que j’allais pouvoir rentrer à la maison. J’étais en train de me dire qu’il était préférable de ne plus se voir en dehors du restaurant, car je n’avais plus grand-chose à partager si ce n’était mon mal-être à son contact. Angéla a fait encore une fois demi-tour en arrivant près de chez moi :
— Mais où tu vas ? lui demandai-je un peu énervé.
— Quelque part... tu verras bien...
— Mais il est tard là ! Il faut que je sois chez moi à 20 h, dis-je en colère.
— Karine ne sera pas là à 20 h pile !
— Peut-être, mais je veux être chez moi avant, c’est la moindre des choses de préparer son arrivée !
— Il faut que j’aille quelque part avant...
— T’es vraiment chiante hein quand tu t’y mets ! Si je suis en retard, ce sera de ta faute ! répondis-je fermement.
Elle n’en faisait qu’à sa tête, je n’étais pas libre de mes mouvements, elle m’embarquait toujours d’une façon ou d’une autre dans ses caprices. J’avais la sensation d’être utilisée et de ne pas pouvoir me libérer de cette emprise. Je voyais qu’elle prenait la route de la corniche, je savais où elle voulait aller, sur le panorama de la colline qui surplombe la ville de Rouen. La nuit tombait, la ville était illuminée, Angéla se gara sur le parking face à la ville en contre-bas :
— Regarde-moi ça Mary comme c’est magnifique, dit-elle en descendant de la voiture.
— Oui, c’est beau Rouen la nuit... répondis-je en tremblant.
— Tu as froid ?
— Un peu...
— Mais il fait bon, cria-t-elle.
— C’est sûr que toi aujourd’hui, tu as chaud ! Je ne sais pas ce qui se passe, mais...
— Je suis juste heureuse Mary... Heureuse d’être avec toi... mon rayon de soleil... me coupa-t-elle en me regardant droit dans les yeux, le sourire suspendu à ses lèvres. Ses yeux pétillaient.
— S’il te plaît Angéla, il faut que je rentre maintenant, ramène-moi chez moi...
— On y va ma chérie ! Tu seras à l’heure, tu vois...
Angéla m’a déposée en bas de chez moi, je ne me suis pas éternisée pour lui dire au revoir, je l'ai embrassé et je suis rentrée. Je ne savais pas quoi penser de toute cette sortie. J’étais perdue et attristée alors qu’elle était heureuse d’être avec moi, quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi je n’arrivais plus à apprécier ces moments ? Je sentais que j’en attendais plus et que j’étais dans la frustration la plus totale. La frustration et la peur de faire un pas de travers encore une fois. Je marchais sur un fil, je n’avais pas le droit de tomber.
Maryline
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