
10 mai (suite)
Depuis novembre, je n’avais pas revu Sophie, mais j’entendais parler d’elle de temps en temps par l'intermédiaire de ma sœur. J’avais bien envie de la revoir, mais je ne savais pas comment faire. Je pensais à elle régulièrement sans savoir pourquoi, elle était omniprésente dans mon esprit. Puis, ma sœur m’a annoncé que Sophie ne partirait plus dans les Alpes, car son ami l’avait quitté. Elles passaient plus de temps ensemble, Sophie n’allait pas très bien, elles sortaient, elles partaient en week-end bref, elles se changeaient les idées pour remonter le moral de Sophie. À l’occasion d’un de leurs week-ends, j’ai reçu une carte postale où Sophie avait écrit un petit mot, cela m’avait beaucoup touchée. Je n’osais pas dire à ma sœur que j’aurais bien aimé passer du temps avec sa collègue. Quand Karine a su que je commençais à me languir de pouvoir être libre de voir Sophie comme je le souhaitais elle n’a pas manqué de sauter sur l’occasion pour me rappeler ce qu’elle m’avait dit six mois plus tôt :
— Alors tu vois que tu l’aimes bien Sophie !
— Elle est toujours hétéro je te rappelle...
— Je ne suis pas sûre qu’il n’y ait pas une "faille" me répondit-elle sans plaisanter.
— Mais comment tu peux dire ça ? Elle a vécu avec un mec et s’il ne l’avait pas quittée, elle serait partie le rejoindre de l’autre côté de la France, alors arrête....
— On verra... s’obstina-t-elle dans son intuition.
— On ne verra rien du tout, je ne vais pas risquer de me prendre une claque.
— Alors tu vois que tu l’aimes bien la petite Sophie... dit-elle, fière de m’avoir déstabilisée.
— Oui, je l’aime BIEN comme tu dis, et alors ? Elle est très sympa, je la sens cool... mais cela n’empêche pas qu’elle est hétéro !
— Pfff... Léa aussi était hétéro... on a vu ce que ça a donné...
— Hé bien justement on a vu oui ! Ce n’est pas le bon exemple... dis-je.
Karine restait persuadée que quelque chose se préparait entre Sophie et moi, je ne voyais vraiment pas comment elle pouvait être aussi sûre d’elle.
J’ai profité d’avoir reçu cette carte postale pour demander le numéro de téléphone de Sophie à ma sœur afin de pouvoir la remercier directement. Nous avons commencé à nous envoyer des messages pour faire plus ample connaissance.
Dans le même temps, Léa avait été hospitalisée pour tentative de suicide, encore une fois avec des médicaments. Elle s’était enfermée à clef chez elle et elle avait avalé une sacrée dose de comprimés. Cette fois, elle n’avait prévenu personne. Mais elle a eu un coup de téléphone de son frère qui s’est posé des questions, car elle ne semblait pas dans son état normal au téléphone. Comme il habite loin, il a appelé la belle-sœur de Léa pour lui faire part de ses inquiétudes. Il lui a demandé d’aller chez elle pour s’assurer que tout allait bien. Sa belle-sœur m’a téléphoné pour avoir si j’avais toujours un double des clefs, par chance, j’en avais un. Elle m’a rejointe et nous sommes montées à l’étage du dessus.
Léa ne répondait pas à la sonnette. Nous avons essayé d’ouvrir, mais elle avait laissé les clefs dans la serrure. Il était 22 h 30, sa belle-sœur commençait à paniquer, nous avons appelé la police et les secours. Ils ont été obligés de défoncer la porte pour rentrer. Nous avons trouvé Léa inconsciente sur le canapé. Son compagnon était parti dans le nord avec sa fille, sachant que Léa n’allait pas bien. Cet homme nourrissait une rage en moi. Les secours ont emmené Léa à l’hôpital sans traîner. Elle a été transférée en réanimation où elle est restée deux ou trois jours, car elle ne se réveillait pas. Je commençais à m’affoler, je ne savais plus quoi faire pour elle, j’étais totalement désemparée. Personne ne pouvait l’obliger à vivre ni à quitter son compagnon avec lequel elle vivait une relation toxique. Elle a ensuite été transférée en psychiatrie, mais je n’osais pas aller la voir. J’avais la sensation que le fait que je m’intéresse à une autre femme déclenchait un tsunami chez elle, à chaque fois, c’était toujours la même chose, et pourtant, elle ne savait rien pour Sophie, car je me gardais bien de protéger ma vie privée. Je prenais des nouvelles tous les jours par l’intermédiaire des infirmières, parfois deux fois par jour.
Le lendemain du réveil de Léa, Sophie est venue me chercher à la sortie du restaurant, nous sommes allées nous détendre au jardin des plantes. Assise sur un banc, Sophie me semblait proche et loin en même temps. Elle était pensive, sans doute tracassée par ses soucis personnels. Nous avons discuté de tout et de rien tout l’après-midi sans nous apercevoir du temps qui passait. Le gardien du parc nous a gentiment demandé de sortir à 20 h pour fermer les grilles. Sophie savait que Léa avait été hospitalisée et elle voulait savoir qui était Léa pour moi. Je lui ai raconté notre histoire, elle était touchée que je sois encore près d’elle pour veiller sur elle comme je le faisais en ce moment même. Elle me sentait très inquiète. Nous avons abordé le sujet de l’homosexualité, elle ne supportait pas les homophobes, ils la mettaient dans une colère noire. Je trouvais cela très étonnant, quand on n’est pas directement concerné par le sujet, on peut être contre l’homophobie sans pour autant déclencher des colères... les émotions n’avaient pas lieu d’être. Je la sentais à l’aise avec moi, à l’écoute et en confiance, comme si nous nous connaissions déjà, qu’on ne s’était pas vu depuis des années et qu’on se racontait nos vies. Pendant notre conversation, deux garçons sont passés devant nous, main dans la main. Sur le banc d’en face, deux personnes âgées les ont regardés comme si elles avaient vu des extraterrestres. Sophie était énervée de voir leur réaction.
Ensuite, elle m’a parlé un peu d’elle en me disant qu’elle souhaitait rencontrer quelqu’un qui aurait 30 à 35 ans et qu’elle souhaitait avoir des enfants. Elle était bien hétéro... j’étais presque déçue de voir mes espoirs s’envoler, des espoirs dont je prenais tout juste conscience.
Comme le gardien nous avait mises dehors, Sophie m’invita à prendre un verre chez elle, elle habitait bien juste derrière chez moi. Installée sur le canapé, elle m’a montré des photos. La sentir si proche de moi me rendait nerveuse. Mes pensées divaguaient, mon cœur battait la chamade, je n’arrivais plus à me concentrer sur ce qu’elle me montrait ou me disait. Mes yeux se posaient sur son corps, ses jambes, ses mains, ses cheveux, ses yeux fatigués, sa peau lisse... j’avais envie de lui prendre la main, de l’embrasser... Il était temps que je rentre chez moi ! Mon téléphone m’avertit de la réception d’un texto... c’était Léa qui me demandait de lui amener quelques affaires pour le lendemain lors de ma visite. J’ai profité de cette intrusion téléphonique entre nous pour me lever et m’apprêter à rentrer chez moi. Sophie s’est levée en même temps et s’avança vers moi pour me dire au revoir. Elle posa ses deux mains sur mes bras et approcha ses lèvres de mes joues avec une douceur qui ne me laissait pas de glace. Elle laissa glisser ses mains le long de mes bras pour les remettre dans ses poches, et me souhaita bon courage pour ma visite à l’hôpital.
Je suis rentrée avec le cœur léger et j’ai téléphoné à mon amie Karine. Elle était encore plus persuadée qu’il y avait une "faille" comme elle aimait à le dire. Je ne voulais pas m’emballer sous ses paroles pleines d’espoir, mais mon cœur lui, chavirait sans paroles. Ma sensibilité était à vif. Karine avait prévu de venir passer le week-end du premier mai à la maison, il était certain qu’elle allait m’éclairer sur mes doutes. Elle avait l’intention de décanter les choses pour m’aider à avancer.
Maryline
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