
02 novembre 2003
II fait un sale temps aujourd’hui, un temps d’automne en Normandie, du vent, de la pluie, l’ambiance est morose.
Sophie travaille, je suis seule à la maison. J’ai fait l’ouverture du restaurant ce matin et comme nous étions sorties hier soir, je ne me suis pas couchée de bonne heure. Mon réveil a sonné et je me rendormis ! Heureusement que Sophie était réveillée, elle m’a secouée, mais j’avais une demie-heure de retard. J’ai filé sous la douche et tant pis pour le petit déjeuner.
J’ai la tête partout sauf au travail. Je réfléchis beaucoup, j’ai des envies, des désirs de construire, d’avancer, et en même temps, j’ai peur de me tromper, peur de souffrir, peur de tout donner et de me ramasser. À l’intérieur de moi, deux personnes discutent, l’une est prête à s’engager dans une vie de couple, et l’autre est terrorisée et freine. J’aime Sophie plus que tout, mais je me dis que ce qu’on vit est tellement beau que cela ne va pas durer. À chaque fois que j’ai été attachée à quelqu’un, mon rêve se trouvait briser pour une raison ou une autre. J’ai peur d’être abandonnée, j’ai peur de ne pas être prête à faire des concessions, je suis refroidie par mon vécu. J’ai besoin de mon indépendance et en même temps j’ai peur d’être abandonnée... c’est un non-sens total et c’est ce combat en moi qui me détruit et sabote mes relations.
Comment construire une vie de couple équilibrée ? Je n’ai pas le mode d’emploi, je n’ai pas eu beaucoup d’exemples non plus dans ma famille. Je ne peux pas vivre collée à quelqu’un vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j’ai besoin d’espace sinon je me sens étouffée. Et en même temps, quand je passe du temps avec Sophie, je me comporte exactement de la façon dont je n’aime pas qu’on se comporte avec moi.... j’ai besoin de la sentir proche de moi, j’ai sans arrêt besoin de la toucher, de l’embrasser, de l’enlacer, c’est tout ou rien ! Comment deux types de personnalité peuvent-ils cohabiter dans le même corps ? Comment peut-on en arriver à être autant torturé ?
Je suis avec Sophie depuis six mois, nos relations intimes se sont espacées et cela m’angoisse. Je n’ai pas été habituée à une vie sexuelle « normale », je passe d’un extrême à l’autre entre trop et rien, le juste milieu n’a jamais existé. J’ai quand même compris que le fait de faire l’amour moins souvent ne remet pas automatiquement les sentiments en question. J’ai mis du temps à être rassurée parce que je croyais que le fait de ne plus avoir envie de faire l’amour voulait dire qu’on n’aimait plus la personne. La sexualité et l’amour ne sont pas forcément liés, beaucoup croient d’ailleurs comme moi que les deux sont obligatoirement liés dans un couple, ma vision a changé. On peut se câliner, s’embrasser et avoir beaucoup de tendresse sans faire l’amour. Malgré mon ouverture d’esprit sur le sujet, j’ai du mal à maîtriser mes angoisses quand Sophie refuse mes avances. Parfois on dirait qu’elle ressent mon angoisse que je me garde bien de lui dire, elle me rassure par ses gestes d’affection. Si elle n’avait pas cette capacité à exprimer ses sentiments par mots et par gestes, je n’aurais pas confiance. Moi-même je n’ai jamais été expressive dans mes sentiments, mais avec elle, c’est différent, j’arrive à exprimer ce que je ressens, elle m’invite en tout cas sur ce chemin.
Je suis tiraillée entre le besoin de fusion et de solitude. Ces deux facettes de ma personnalité s’expriment à tour de rôle, c’est épuisant d’essayer de trouver la paix au milieu de tout ce capharnaüm intérieur. Je suis consciente que je peux être excessive et étouffante puisque je déteste cela de la part des autres, l’effet miroir est très flagrant. Je m’efforce donc de ne pas trop l’envahir avec mes peurs et mes angoisses qui se traduisent par un attachement démesuré. Tout se passe dans les tripes, quand je me retiens pour ne pas l’étouffer, j’ai mal au ventre. J’ai l’impression d’être sur un terrain d’apprentissage, j’apprends à aimer quelqu’un qui m’aime, cela revient à apprendre à s’aimer soi-même quelque part, par personne interposée. Un effet boomerang se profile entre Sophie et moi. J’ai la sensation d’être novice dans les relations amoureuses et pourtant... j’en ai rencontré des femmes... Je me dis souvent que je suis trop sensible, que je me pose trop de questions, que je m’arrête sur des détails sans importance, mais c’est plus fort que moi, j’ai tellement peur de perdre ce bonheur. À force d’avoir peur de perdre quelque chose, on finit par le perdre parce que notre comportement est dirigé dans le sens de la perte. Si notre croyance est qu’on va perdre, on ne peut pas gagner... Alors en attendant, comme dirait Florent Pagny « J’apprends à aimer ».
Depuis ce matin je pensais fortement à mon oncle Patrice dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis quelque temps. Il vient de m’appeler pour m’annoncer son divorce. Malheureusement, je n’en suis pas étonnée. Je me demande d’ailleurs comment ma tante a pu résister aussi longtemps, car il est franchement difficile à vivre, il ne se rend pas compte à quel point il peut être exigeant et rigide. Bien évidemment, il me disait qu’il pensait beaucoup à ma mère, il se rend compte qu’il n’est plus possible de lui téléphoner pour se confier à elle. Le bureau des pleurs est en train de fermer ses portes, il n’y a plus personne à l’accueil... et je n’ai pas envie de prendre le relais. Je ne peux absolument pas porter les autres en ce moment. J’ai pris le temps de l’écouter, je le sentais vraiment mal, il avait quitté le domicile conjugal depuis deux jours, et vivait dans son cabinet en attendant de trouver un logement. Il broyait du noir et faisait le bilan de ces sept dernières années : le décès de mon grand-père, la maladie de ma mère, le décès d’une de mes tantes d’un cancer des poumons, son couple qui se brise... Cette fois ma mère ne pourra pas le soutenir dans sa douleur. Il prend conscience qu'elle nous a déjà quittés quelque part.
J’ai pensé à lui toute la journée en me disant qu’il faudrait que je lui écrive pour lui annoncer ma rencontre avec Sophie, je comprends mieux sa présence dans mon esprit. Je ressens le mal-être de mes proches à distance. Je me sentais particulièrement nerveuse ce matin, comme à chaque fois que je pressens une mauvaise nouvelle. J’ai mis ça sur le compte de l’absence d’une de mes équipières qui m’avait fait faux bond sans me prévenir, mais j’étais quand même anormalement inquiète.
Mes grands-parents ont eu cinq enfants : trois ont divorcé et un a perdu sa femme d’un cancer. Ce dernier a coupé les ponts avec la famille. J’étais attachée à mes tantes, à chaque fois c’est un déchirement pour moi aussi. Je ne me demande plus pourquoi je suis contre le mariage... Ce n’est pas un contrat et deux signatures qui maintiennent un couple en vie. L’amour, c’est autre chose qu’un papier et un accord entre deux personnes. L’un n’empêche pas l’autre, mais je ne pense pas que ce soit une nécessité, mis à part pour des accords purement fiscaux. La société a fait du mariage un acte fiscal. La seule chose qui puisse lier deux personnes, c’est l’amour, rien d’autre. Quand on se lance vers des intérêts autres que l’amour, il ne faut pas s’étonner des surprises.
Continuons d’apprendre à aimer... nous en avons tous besoin...
Maryline
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